Comment, en tant qu’organisation en logement communautaire, assurer sa survie, croître et anticiper l’avenir? Ce sont des questions auxquelles Birch Housing — en activité depuis 1975 dans la région de Toronto — réfléchissait et qui l’ont poussée à entamer tout un processus pour mieux comprendre sa situation et pour se positionner avec une mission, une vision, des valeurs et des orientations bien définies, dans le but d’assurer sa survie, et même de croître.
Comme bien des organisations sans but lucratif œuvrant en logement en Ontario (et dans tout le pays), Birch Housing voyait ses accords de financement avec le gouvernement arriver à échéance. Comme le dit la directrice générale de Birch Housing, Margie Carlson, « on ne [pouvait] pas juste rester assis où on [était], parce que le financement que nous recevons du gouvernement ne va pas en s’améliorant. Ça empire. Notre financement est réduit, [mais] les coûts augmentent. Nous [devions] trouver une autre façon d’assurer notre propre viabilité. »
Depuis 1975, Birch Housing (auparavant connue comme la Inter Faith Homes Corporation) offre des logements communautaires dans la région de Toronto : à Toronto, Oshawa, Newmarket, Oakville et London. Elle possède et gère 576 logements répartis sur 9 sites; en plus d’exploiter un 10e site. Quelque 45 ans plus tard, dans le contexte d’une réduction de son financement, elle devait réévaluer en profondeur son fonctionnement, ses acquis et sa vision.
Une première étape vers le changement a été l’embauche de Margie Carlson comme première directrice générale en 2018, alors que depuis les débuts de l’organisation, c’était le conseil d’administration qui dirigeait aussi les opérations. Margie souligne d’ailleurs l’importance du rôle du conseil dans le processus qui a été entamé, car rien n’aurait pu être fait s’il n’avait pas d’abord voulu le faire, dit-elle.
Puis, Birch Housing a élaboré son premier plan stratégique pour 2020-2023; un plan qui énonce de façon claire la mission, la vision, les valeurs de l’organisation et les orientations la guidant pour trois ans. Ce plan mentionne entre autres que « le changement est essentiel pour que nous restions bien positionnés afin de répondre aux besoins futurs des gens dans ce secteur en évolution. »
Avec un soutien financier de près de 48 000 $ du Centre de transformation du logement communautaire, l’organisation a pu ensuite commander une étude afin de lui donner une vue d’ensemble de son portefeuille de logements.
« Nous devions prendre des décisions par rapport à notre portefeuille, raconte Margie Carlson. Donc, le but de l’étude était d’analyser nos bâtiments et leurs sites et d’essayer de déterminer s’il y avait des possibilités de réaménagement. Nous devions savoir si c’était justifié de continuer avec la même forme bâtie que nous avons présentement. »
Birch Housing souhaitait évaluer ses acquis avec les lunettes d’un observateur externe. « La subvention [du Centre] nous a permis d’obtenir une compréhension en profondeur du potentiel de marché de notre portefeuille », ajoute-t-elle.
Car la croissance est au cœur des préoccupations actuelles de l’organisation. « Une de nos préoccupations centrales, en tant que fournisseur de logements, est la viabilité à long terme dans un contexte où il n’y a pas eu de croissance dans notre secteur [depuis longtemps]. Nous devons croître pour être viables pour les prochaines 35, 40, 50 années. »
Effectivement, depuis les années 1990, le gouvernement fédéral n’a pas ou peu investi dans la création de logements sociaux; une posture qu’a aussi suivie le gouvernement de l’Ontario. « Je sais que tout le monde dans chaque province vous dira qu’ils sont sous-financés, mais nous sommes vraiment sous-financés en Ontario », déplore Margie Carlson.
D’hier à aujourd’hui
D’après Margie Carlson, la Inter Faith Homes Corporation (le nom original de Birch Housing) a été créée parce que du financement gouvernemental était disponible à ce moment. « C’est comme ça qu’ils ont survécu pendant plusieurs années », soutient-elle. Mais, avec ces fonds qui sont arrivés à échéance, la situation est maintenant bien différente. La question de la survie de l’organisation, indépendamment du financement gouvernemental, se pose.
« Nous avions conclu un accord avec le gouvernement selon lequel nous allions maintenir les loyers peu élevés pour un certain temps, afin de loger des personnes à faible revenu. Et à ce moment, le gouvernement avait dit qu’il donnerait les fonds nécessaires en capital. Le problème est que le gouvernement change et qu’ensuite, la personne qui est au pouvoir 30 ans plus tard s’en fout et ne donnera pas l’argent promis par l’ancien gouvernement. »
L’absence de soutien financier adéquat pour les opérations et pour le maintien des bâtiments qui vieillissent force à trouver d’autres façons de procéder et d’autres sources de financement. « Je pense que beaucoup d’OSBL en Ontario vont être confrontés à ça. Il y a comme deux options. Soit il faudra continuer avec ce modèle où les subventions s’amenuisent, ou il faudra fusionner avec un autre fournisseur de logement. »
La fusion a par exemple été la voie choisie par deux grands fournisseurs de logements avec services de soutien de Toronto, Houselink Community Homes et Mainstay Housing, qui sont devenus officiellement en avril Houselink & Mainstay Inc. Mais selon Margie Carlson, le C.A. de Birch Housing ne souhaitait pas suivre cette voie.
« Nous ne sommes pas énormes, mais nous devons être trois fois plus gros pour survivre dans l’environnement actuel. Nous devons atteindre autour de 2000 logements pour survivre à l’avenir », avance la directrice générale.
Jusqu’à maintenant, quatre des neuf propriétés de Birch Housing ont été identifiées comme ayant un potentiel stratégique dans l’étude sur le portefeuille de logements. Quelle forme le changement prendra-t-il? Il est encore trop tôt pour le savoir. Le changement est un long processus, comme l’affirme l’organisation dans son plan stratégique : « la clé de notre succès est d’agir lentement, mais sûrement ».