« Quelqu’un d’autre a l’impression de se noyer ici ? », peut-on lire dans un message anonyme d’un utilisateur du subreddit Vancouver, une communauté en ligne comptant plus de 452 000 membres. « [J’ai] un emploi au salaire minimum, je subis une rénoviction ENCORE UNE FOIS ; [c’est la] 5e fois que je dois déménager depuis 2016 et après cet endroit, il n’y a rien d’autre que je puisse me permettre, je peux à peine me nourrir… Je dois choisir entre manger ou ma santé mentale. »
Des publications comme celle-ci sont monnaie courante dans les discussions de la communauté, toutes rédigées par des personnes différentes qui vivent des problèmes et des frustrations similaires dans tout le Grand Vancouver : rénovictions, difficultés financières, augmentation du coût du loyer, augmentation des salaires qui ne suivent pas, et incertitude quant à l’avenir.
Il s’agit d’une fenêtre sur la souffrance causée par un problème majeur auquel sont confrontés les systèmes de logement locatif de la Colombie-Britannique et du Canada : une détérioration radicale des loyers abordables. Selon la BC Non-Profit Housing Association, entre 2016 et 2021, la Colombie-Britannique a connu une perte globale de près de 100 000 logements dont le loyer est inférieur à 1 000 $ par mois. Il n’est donc pas surprenant que la Colombie-Britannique soit en tête du classement national en matière du taux d’éviction, une étude de 2021 montre en effet que le taux de la province est presque le double de la moyenne nationale [Figure 1].
De nombreux facteurs sont à l’origine du déclin de l’accessibilité au logement en Colombie-Britannique et dans le monde entier, et une dynamique qui a récemment retenu l’attention est une concentration importante du parc locatif entre les mains de grands propriétaires institutionnels. Il a été démontré que les grands investisseurs institutionnels, tels que les sociétés d’investissement immobilier et les sociétés de capital-investissement, contribuent de manière importante à la diminution de l’accessibilité au logement, en achetant de vieux immeubles locatifs, en les rénovant, en augmentant les loyers et, finalement, en évinçant les locataires. En Colombie-Britannique, les propriétaires privés, grands et petits, sont autorisés à fixer le loyer des logements vacants au niveau qu’ils jugent approprié, ce qui a entraîné des augmentations de loyer astronomiques.
Le rapport sur le marché locatif de janvier 2023 de la Société canadienne d’hypothèques et de logement a montré que les loyers des logements vacants dans la région métropolitaine de Vancouver ont bondi d’environ 800 $ entre 2021 et 2022, passant de 1 600 $ à près de 2 400 $. Dans toute la province, il n’est pas rare de voir un loyer de 2 000 $ par mois pour un logement d’une chambre à coucher. En somme, la situation est très grave.
Un fonds d’acquisition de 500 millions de dollars pour protéger les logements locatifs
Malgré une avalanche de mauvaises nouvelles sur l’abordabilité du logement, une initiative importante a vu le jour en Colombie-Britannique et constitue un excellent modèle pour le reste du pays en matière de lutte contre la financiarisation du logement.
En janvier, la province a officiellement annoncé un fonds d’acquisition de logements locatifs de 500 millions de dollars qui permettra aux fournisseurs de logements sans but lucratif et coopératifs d’acheter des immeubles locatifs privés. L’objectif à long terme de ces acquisitions sera de stabiliser les loyers dans les immeubles acquis, en supprimant le but lucratif de leur exploitation. De nombreux propriétaires, grands et petits, ont tendance à augmenter continuellement les loyers pour maximiser leurs profits. La propriété sans but lucratif et coopérative supprime cette propension, et le nouveau fonds contribuera à protéger des milliers de locataires contre les augmentations rapides de loyer.
Les détails du fonds seront publiés au cours des prochains mois, mais il est important de noter qu’il est le résultat direct de la mobilisation du secteur. L’Aboriginal Housing Management Association (AHMA), la BC Non-Profit Housing Association (BCNPHA) et la Co-operative Housing Federation of BC (CHF BC) ont passé plusieurs années à faire pression sur le gouvernement afin que le fonds soit créé. Par ailleurs, les immeubles acquis grâce au fonds appartiendront aux organismes sans but lucratif ou aux coopératives qui les achètent. Cela ajoutera à l’actif du secteur, permettant aux fournisseurs de logements de puiser dans leur capital pour créer d’autres logements abordables à l’avenir.
De tels fonds d’acquisition peuvent être répliqués dans d’autres régions du Canada, et devraient constituer un axe majeur de la défense du logement abordable par des organisations de tout le pays. Le gouvernement fédéral et les autres gouvernements provinciaux devraient s’efforcer de donner au secteur du logement communautaire les moyens de faire face à la régression de notre parc de logements abordables.
Nous sommes impatients d’en apprendre davantage sur la mise en œuvre et le développement du fonds d’acquisition, sa structure juridique et ses modalités de fonctionnement, dans les mois à venir.
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Découvrez le projet pilote Plancher, dont l’ambition est de mettre en commun les milliards de dollars en actifs du secteur pour financer le développement, l’acquisition et la rénovation de dizaines de milliers de logements communautaires.