Le Nouveau-Brunswick est la province qui offre le moins de protection aux locataires par rapport à tout autre endroit au Canada et la pandémie a exacerbé la situation avec de nombreuses expulsions et des pratiques non-contrôlées de propriétaires sans scrupules. Deux organismes ayant comme objectif de défendre expressément les intérêts des locataires ont fait une demande de financement auprès du Centre. Une subvention leur a été accordée à condition que ces deux groupes unissent leurs forces.
Le 22 mars, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a annoncé un plafond de 3,8% sur l’augmentation des loyers pour une période d’un an afin de s’attaquer à la crise du logement qui perdure et au faible taux d’inoccupation. Bien que temporaire, cette décision représente une petite victoire.
« Avant la mise en place de cette nouvelle législation, c’était presque comme le Far West ici. J’entendais parler [d’augmentations de loyer] de 25 %, 50 %, 75 %. Dans un immeuble, l’augmentation s’élevait à plus de 200 % », déclare Vanessa Jones, organisatrice communautaire chez ACORN NB.
Les locataires du Nouveau-Brunswick sont parmi les moins protégés au pays. Dans cette province, il n’y a ni contrôle des loyers ni programme de prévention des expulsions ni droit au maintien dans les lieux à la fin d’un bail. La pandémie a exacerbé une situation déjà problématique et les citoyens se déplacent maintenant vers les provinces maritimes pour y vivre à moindre coût.
L’organisme ACORN s’active dans la province depuis un peu plus d’un an. L’organisateur communautaire en chef régional , John Anderson, se réjouit de voir que ce travail acharné porte ses fruits. Faisant preuve d’optimisme, il estime que l’annonce du gouvernement provincial est le premier pas vers l’établissement de droits permanents et durables pour les locataires.
« C’est très significatif que nous ayons pu gagner et amener un gouvernement conservateur à introduire cette [législation, bien que] la contrepartie du contrôle des loyers [ait été une] réduction d’impôt de plusieurs millions de dollars pour les propriétaires de logements locatifs. »
Le gouvernement a justifié cette réduction des impôts fonciers provinciaux pour les propriétaires de logements locatifs en arguant que c’est un moyen d’éviter que la facture soit refilée aux locataires.
Une collaboration pour un changement durable
Cette petite victoire a été rendue possible grâce à une collaboration inattendue.
Lorsque ACORN Canada et la Coalition pour les droits des locataires au Nouveau-Brunswick ont fait une demande de financement au Centre avec l’objectif de défendre les locataires du Nouveau-Brunswick, les deux organismes ont obtenu des subventions à condition qu’ils unissent leurs forces.
ACORN NB, une branche d’ACORN Canada, est dirigé par des bénévoles et met l’accent sur la sensibilisation porte-à-porte et le leadership, tandis que la Coalition pour les droits des locataires au Nouveau-Brunswick milite pour une réforme des lois et des politiques et fournit de l’information juridique aux locataires – une alliance parfaite. Le Centre a accordé 48 000 $ et 149 905 $ à chaque groupe respectif.
« ACORN a joué un rôle déterminant dans les protestations, les manifestations, la sensibilisation porte-à-porte et la mobilisation des locataires. Notre travail a été très axé sur la production de rapports et de travaux de recherche. Les deux principaux projets que nous réalisons grâce au financement [du Centre] sont le service de défense des locataires et un projet de recherche », explique Aditya Rao, membre fondateur de la Coalition pour les droits des locataires au Nouveau-Brunswick.
La défenseure des locataires, Jael Duarte, fournit de l’information juridique aux locataires du Nouveau-Brunswick en trois langues – anglais, français et espagnol. En l’absence d’un système de cliniques juridiques, les locataires du Nouveau-Brunswick n’avaient nulle part où aller pour obtenir de l’aide, jusqu’à la mise en place de ce service.
Le projet de recherche sur les expériences des locataires au Nouveau-Brunswick vise à combler un manque de données dans la province. Selon la Coalition, la politique gouvernementale a été élaborée en se fiant principalement aux associations de propriétaires, sans avoir fait l’objet d’une recherche objective. Le projet financé par le Centre est quant à lui mené en partenariat avec l’Université du Nouveau-Brunswick (UNB) à Saint John et l’Université St. Thomas (STU) et a été approuvé par les comités d’éthique de la recherche des deux universités.
Anderson ajoute : « [En termes simples] ils font un important travail de défense des droits et de recherche sur les politiques. Nous complétons ce travail en faisant de la sensibilisation et en impliquant les locataires de la classe moyenne. Les deux organismes s’en tiennent à leurs domaines d’expertise. Cela nous place dans la meilleure des positions pour faire de grands changements au profit des locataires du Nouveau-Brunswick. »
Le travail qui nous attend
Toutefois, il reste beaucoup de travail à faire. La loi ne tient pas compte des expulsions et des autres violations du droit au logement les plus courantes. Il y a quelques semaines à peine, la Moncton Real Estate Investing Organization a tenu une discussion en ligne avec des dizaines de propriétaires qui ont partagé des astuces pour contourner les restrictions. Les rénovictions et les baux spéciaux ont notamment été évoqués comme des trucs potentiels pour contrer le plafonnement des loyers.
Jones n’est pas étrangère aux tactiques de location douteuses : son loyer a été doublé lorsque son immeuble a été racheté par une société de gestion immobilière.
« Ils ont commencé les rénovations et ont percé 39 trous dans les murs. [Ils] ont commencé les travaux, mais ne les ont pas terminés. J’éprouvais un inconfort à vivre dans cet immeuble et il y avait des insectes qui rampaient hors des murs. »
Jones a déménagé de son immeuble peu après, mais cette expérience a été l’élément déclencheur qui l’a menée à défendre les droits des locataires chez ACORN. Le projet subventionné met l’accent sur l’implication des nouveaux locataires, sur la recherche d’occasions de développer leurs compétences en matière de leadership, sur la formation de nouveaux leaders et sur la participation d’un plus grand nombre de personnes – ce qui, en fin de compte, est nécessaire pour gagner.
Bien que le Nouveau-Brunswick dispose d’un Tribunal sur la location de locaux d’habitation qui fait respecter et appliquer la Loi sur la location de locaux d’habitation de la province, cette dernière ne comporte toujours pas de protections de base comme le contrôle des loyers. Le Tribunal tente de résoudre les conflits entre propriétaires et locataires, mais comme le souligne M. Rao, ses pouvoirs sont très limités.
« C’est un tribunal quasi-judiciaire qui ne rend pas de décisions de la manière à laquelle nous sommes habitués dans d’autres juridictions. En fait, il s’agit en quelque sorte d’un service de médiation. Pour eux, c’est un succès quand ils parviennent à convaincre un locataire d’accepter une augmentation de loyer de 55 % au lieu de 100 %. »
Raison de plus pour continuer à défendre les droits des locataires. Selon Rao, le financement du Centre est déterminant pour faire des changements de façon permanente.
« Je ne pense pas exagérer en disant que sans la subvention du Centre, rien de tout cela ne serait possible », déclare-t-il. « Ce financement a permis d’embaucher une défenseure des locataires [qui fournit des informations juridiques] et de développer des ressources : nous avons 16 webinaires à venir, rien que cette année, pour aider les gens à comprendre leurs droits. »
De plus, la subvention a permis de modifier le narratif dans l’espace public, qui est passé d’un discours entièrement favorable aux propriétaires à des reportages plus nuancés.
Jones déclare : « Avant, nous étions tous isolés chacun de notre côté. Maintenant, les locataires se regroupent, et ensemble, notre voix est plus forte dans la communauté. »