Il y a un grand manque à combler en matière de logement étudiant dans la région métropolitaine de Toronto. Faute de résidences adéquates, plusieurs étudiant.e.s doivent vivre dans des conditions douteuses, carrément dangereuses ou illégales; ou encore, ils et elles doivent payer très cher — que ce soit sur le marché privé ou pour une résidence universitaire. L’organisme HOUSE (Housing Ontario University Students Equitably) entend changer cet état des choses, en mettant sur pied des projets de logement sans but lucratif abordables pour étudiant.e.s, d’abord à Toronto, puis dans différentes villes ontariennes.
Par Andréanne Chevalier
Les étudiant.e.s forment un groupe de personnes qui n’est pas souvent considéré dans les initiatives de logement, affirme la cofondatrice et coprésidente de HOUSE, Bria Hamilton. « Comme étudiant.e.s, nous ne recevons pas beaucoup d’aide pour le logement, parce que plusieurs programmes visent des groupes plus importants. [Être étudiant.e] est vu comme une période de transition. »
Certains logements dédiés aux étudiant.e.s sont chers, comme ceux offerts dans des projets privés* ou dans les résidences universitaires. À l’Université York, par exemple, le coût minimal par mois (pour un bail de huit mois) d’une chambre (de style dortoir) pour une personne en résidence et du plan pour les repas (obligatoire) est de 1439 $ par mois.
Ces factures élevées, combinées au coût des cours, ont des impacts importants sur ces jeunes adultes. « L’université coûte cher. Le logement coûte cher. [Et] c’est sur cet aspect que les étudiant.e.s finissent par sacrifier leur bien-être », affirme Bria.
Ainsi, plusieurs d’entre eux doivent choisir entre payer cher pour leur logement ou vivre dans un logement du marché privé, où les conditions peuvent être précaires. Bria indique que plusieurs étudiant.e.s torontois se retrouvent dans des maisons de chambres illégales, des habitations non conformes aux normes de sécurité, des logements surpeuplés… Dans les dernières années, des reportages comme celui-ci ont d’ailleurs fait état de certaines situations déplorables.
Quelques années après avoir participé à la création du Affordable Housing Committee at York University, Bria et Michael Jodah ont cofondé HOUSE en 2019. L’organisme, inspiré par d’autres initiatives de logement étudiant hors Ontario, souhaite offrir du logement étudiant abordable par et pour les étudiant.e.s de la province.
Débuts à York
Le premier projet de HOUSE devrait se réaliser pour les étudiant.e.s de l’Université York, située à une quarantaine de minutes en transport en commun du centre-ville de Toronto. Une partie des fonds requis pour assurer le développement d’un premier projet, visant la construction de 800 à 1200 logements, est perçue par contribution des étudiant.e.s aux cycles supérieurs de cette université. HOUSE souhaite aussi étendre la contribution prélevée aux étudiant.e.s de premier cycle.
Le Centre de transformation du logement communautaire a accordé 168 250 $ à l’organisme par l’entremise du Fonds de transformation du secteur — projets d’impact sectoriel. La subvention du Centre servira principalement à l’embauche de personnel pour établir des partenariats, effectuer des analyses de besoins, des notes d’information et des études de faisabilité, et pour susciter la participation communautaire.
« Nous avons défendu nos intérêts et nous avons travaillé avec l’Université [York] pendant les dernières années afin d’obtenir une entente pour un terrain », précise le cofondateur et directeur général de HOUSE, Michael Jodah. « Il semblerait que [l’entente] pourrait survenir cette année. Ils ont l’air très intéressés. » HOUSE espère pouvoir démarrer la construction des logements dans les deux ans suivant la signature d’une entente qui leur procurerait un terrain.
Pour Michael, il est important que l’esprit du projet soit communautaire. « Les étudiant.e.s se sentent seul.e.s et isolé.e.s quand ils vivent loin de leurs parents. Notre culture fait en sorte que les gens ont l’habitude de passer leur temps sur Netflix ou à jouer à des jeux vidéo. Il faut mettre en place une structure pour établir une communauté. »
Le directeur de HOUSE parle de jardins communautaires, de cuisine commune et de repas partagés. La participation des locataires sera donc fortement encouragée. « Il ne s’agit pas que de construire des logements abordables, mais de créer une façon de vivre qui est différente. »
Collaboration avec un groupe du Québec
Le travail de HOUSE s’est fait avec l’appui de l’UTILE (Unité de travail pour l’implantation de logement étudiant), un organisme sans but lucratif québécois aussi dédié à la construction et à la promotion du logement étudiant. L’UTILE avait obtenu, en 2020, une subvention de 300 000 $ du Centre.
Les deux organismes aux approches similaires se rencontrent périodiquement. L’UTILE, qui a été fondé en 2012, partage son expérience avec HOUSE et lui donne des conseils, notamment sur les étapes à suivre pour mener les projets et sur les façons d’aborder les universités et les gouvernements.
« On a deux objectifs [en collaborant avec HOUSE] », explique le cofondateur et directeur général de l’UTILE, Laurent Levesque. « Le premier, c’est vraiment d’accélérer les solutions. On aimerait ça que ça leur prenne moins d’années pour se rendre à un projet immobilier que ça nous en a pris [à nos débuts]. Et à moyen ou long terme, notre rêve ultime, c’est qu’il y ait un réseau de groupes comme ça qui marchent et qu’on puisse être fédérés à l’échelle canadienne. »
Le directeur général de HOUSE abonde dans le même sens. « Avoir [un] réseau a vraiment renforcé le mouvement dans son ensemble et fera en sorte que ce sera plus facile pour d’autres groupes à l’avenir », souligne Michael. « [Cela peut permettre] de parvenir à l’étape de construction plus rapidement et d’assurer une meilleure qualité de logements pour les étudiant.e.s. »
Laurent Levesque est heureux de voir essaimer des projets de logements étudiant similaires à ceux mis de l’avant par l’UTILE. « Je pense que ça montre à la fois l’importance des besoins en logement étudiant, évidemment, mais aussi l’appétit de la jeunesse pour s’attaquer à ces problèmes-là. C’est encourageant. »
*Par exemple, le promoteur Quad at York propose plusieurs types de logements pour étudiant.e.s. L’option la moins chère est offerte à partir de 880 $ par mois, pour un logement partagé par deux personnes, sans chambres fermées, sans espace pour une table de cuisine ni d’espace salon, dans un bâtiment qui comporte des espaces communs.