Le Jean Tweed Centre s’est associé à Street Haven at the Crossroads dans le but de donner la possibilité à leurs locataires de prendre en charge leur processus de réadaptation, tout en étant là pour elles tout au long de leur parcours de rétablissement.
Au fil des années, l’évolution des perspectives au sujet des dépendances et de l’itinérance a influencé les traitements et la prévention, les travailleurs de première ligne et les personnes vivant ces réalités menant souvent les travaux. Bien que l’approche de réduction des méfaits — devenue populaire au milieu des années 1980 pour s’attaquer au problème de la transmission du VIH/SIDA et de l’hépatite chez les utilisateurs de drogues injectables — demeure controversée pour certains, elle s’est immiscée dans la philosophie de centres de réadaptation et d’organisations sans but lucratif travaillant avec des personnes aux prises avec l’abus de substances ou l’itinérance.
« La réduction des méfaits “s’occupe des gens tels qu’ils sont” avec empathie, acceptation et compassion, dans un esprit de collaboration, sans a priori », écrit Andrew Tatarsky dans Psychology Today. Après avoir travaillé comme psychologue dans le domaine du traitement des dépendances pendant 35 ans, il croit cependant qu’il est temps de revisiter les façons de penser.
« Le fait de concevoir la dépendance comme une maladie est en grande partie responsable de notre échec à la traiter efficacement », avance Tatarsky. « Le “modèle” de la maladie présume que la dépendance est avant tout un phénomène biomédical, une condition permanente qui s’arrête uniquement lors de l’abstinence totale de consommation de substances altérant l’humeur ».
Quel danger y a-t-il à penser ainsi? Faire de l’abstinence (soit l’évitement complètement des drogues et de l’alcool) la seule mesure du succès.
Trop occupés à assurer sa survie
Évidemment, il n’y a pas de solution unique qui convient à tous dans le traitement des dépendances. La capacité à adopter les « meilleures pratiques » demande du temps et des ressources, ce que la plupart des OSBL n’ont tout simplement pas.
« Dans le secteur du logement communautaire, les groupes sont souvent hyper occupés juste pour assurer leur survie, ils n’ont pas le temps de prendre une pause, réfléchir et se demander : “Comment pourrions-nous changer, nous adapter, nous conformer aux meilleures pratiques ?” », affirme la chargée de programme du Centre de transformation du logement communautaire Chrissy Diavatopoulos. Mais « c’est ce que le Jean Tweed Center fait ».
Le Jean Tweed Centre est une organisation communautaire spécialisée dans les problèmes d’abus de substance, de santé mentale et de jeu. Il exploite la Palmerston House, une maison de transition, et offre des services de soutien aux femmes (parfois avec enfants) qui luttent contre les dépendances.
Réalisant que son approche concernant les dépendances était maintenant dépassée, le Jean Tweed Centre s’est associé à Street Haven at the Crossroads, un organisme offrant de l’hébergement et des services de soutien aux femmes à risque d’itinérance. S’éloignant du modèle plus traditionnel de l’abstinence, vu comme « punitif » par certains, les organisations torontoises font un pas de plus en impliquant leurs locataires, des femmes qui ont vécu dans des logements de transition ou avec soutien, et qui ont lutté contre l’abus d’alcool ou de drogues.
C’est précisément ce qui fait du Projet d’engagement des femmes dans le logement avec services de soutien une initiative unique, croit la directrice de l’hébergement au Jean Tweed Centre, Volletta Peters. « C’est d’avoir intentionnellement créé une voix au chapitre pour les femmes, qui participeront en tant que contributrices à un projet qui aura des effets sur leurs vies et sur la vie d’autres femmes en recherche de logement. »
Un riche réservoir de connaissances
Le projet, qui bénéficie d’une subvention de 45 000 $ du Centre, est constitué d’une recherche au niveau local et d’une initiative d’implication des locataires. Plusieurs des 66 femmes vivant dans les installations du Jean Tweed Centre et de Street Haven auront l’occasion d’acquérir les compétences nécessaires pour faire de la recherche, pour avoir de l’influence et pour concevoir des programmes.
« Les femmes apportent un riche réservoir de connaissances et d’expériences qui aident à éclairer et à façonner tous les aspects de la recherche, incluant le design, la mise en œuvre et la diffusion des résultats », explique Peters.
Au lieu de se conformer à une structure rigide, les femmes seront encouragées à prendre elles-mêmes en charge leur processus de réadaptation. Des chercheurs ayant vécu l’itinérance travailleront de près avec les résidentes qui sont membres du comité consultatif de recherche afin de mener une évaluation des besoins et une révision des programmes de la Palmerston House et des modèles d’hébergement de Street Haven. Ils vont ensuite partager leurs découvertes, ce qui aura une influence sur les décisions de logement qui les concernent.
Pour des femmes comme Amy Wright, il s’agit d’une occasion parfaite pour donner un sens positif à une situation difficile.
« J’ai presque 10 ans d’expérience de vie dans des logements de transition et de rétablissement », dit Wright. « J’ai eu des expériences positives et négatives. Ce projet transforme ces expériences en quelque chose qui peut être utile pour les femmes qui cherchent un logement avec soutien ou de transition. »
Même si le changement de perspective quant à l’aide accordée aux femmes est le cœur du projet, le design des résidences avec services de soutien et comment celui-ci aide ou nuit au rétablissement sera aussi évalué.
« J’ai appris, à travers ce projet, qu’il existe des gens qui sont réellement soucieux du bien-être et qui croient que ce n’est pas parce que quelqu’un consomme des drogues ou de l’alcool qu’il ou elle devrait être sans-abris », ajoute Wright.