Les nouveaux tarifs en vigueur risquent d’entraîner des pertes d’emplois, réduire le pouvoir d’achat et ralentir la construction. Avec une inflation croissante et des revenus qui peinent à suivre, de plus en plus de Canadiens auront du mal à se loger convenablement, accentuant la pression sur le logement communautaire.
On ignore la durée et l’impact exact de cette guerre tarifaire, mais elle expose les faiblesses de l’économie canadienne. Le logement communautaire, en tant qu’infrastructure essentielle, pourrait stabiliser le marché, protéger la classe moyenne et les ménages vulnérables et renforcer la résilience économique.
Des tarifs qui fragilisent l’abordabilité du logement
L’imposition de tarifs sur des matériaux clés comme le bois d’œuvre et l’acier exacerbent la construction, l’entretien et la rénovation. Les prix, déjà en forte hausse, risquent d’augmenter davantage, compromettant la viabilité financière de nombreux projets. Parallèlement, les délais de construction s’allongent, aggravant une crise du logement déjà préoccupante.
Ces augmentations accélèrent la disparition des logements abordables, poussant davantage de ménages vers des solutions inadaptées, voire à la rue. En parallèle, le chômage pourrait exploser. Selon la Chambre de commerce du Canada, 2,3 millions d’emplois dépendent des exportations vers les États-Unis. Les provinces estiment que jusqu’à 450 000 emplois pourraient disparaître en Ontario, 160 000 au Québec et 120 000 en Colombie-Britannique.
Cette vague de pertes d’emplois accentuerait la pression sur un stock de logements abordables déjà insuffisant. Couplée à la flambée des prix à la consommation, elle fragiliserait encore plus les ménages de la classe moyenne et à faible revenu, amplifiant l’insécurité économique.
Miser sur le logement communautaire pour amortir le choc
Contrairement au secteur privé, où les investissements sont dictés par les cycles économiques, le logement communautaire repose sur une logique de long terme et garantit l’abordabilité des loyers. Le développement de notre secteur pourrait limiter les effets de la hausse des coûts et stabiliser le marché.
Renforcer les outils de financement et de préservation du logement existant, comme le Rental Protection Fund en Colombie-Britannique et le Fonds en capital pour le logement communautaire en Nouvelle-Écosse, permettrait d’atténuer l’impact des tarifs sur ménages. En limitant la perte de logements abordables, cette approche réduirait les risques de précarisation financière et d’expulsions.
De la même manière, la construction d’un plus grand nombre de logements communautaires offriraient une sécurité essentielle dans un contexte d’incertitude économique. En parallèle, elle soutiendrait l’économie locale en préservant le pouvoir d’achat des ménages et en réduisant la pression sur les services d’urgence.
Un levier économique sous-estimé
L’impact positif du logement communautaire sur l’économie est prouvé. Selon une étude de l’ACHRU et Deloitte, doubler le stock de logement communautaire canadien pourrait accroître la productivité économique de 6% à 9%, soit une hausse du PIB de 67 à 136 milliards de dollars. Ces bénéfices à eux seuls pourraient éponger les conséquences des tarifs douaniers qui sont estimés entre 2% et 5% (environ 83 milliards de dollars en moyenne).

Dans certaines régions, le manque de logements abordables freine déjà l’expansion des entreprises. La hausse des coûts de construction risque d’accentuer ce phénomène. Développer le logement communautaire pourrait limiter l’impact de la décroissance et soutenir l’économie locale.
Loin d’être une dépense, l’investissement dans le logement communautaire est un moteur économique. Il doit être considéré comme une infrastructure essentielle, au même titre que les routes et les transports en commun.
Des solutions pour protéger le logement communautaire et abordable
Le nombre de logements abordables détenus par le secteur privé décroit depuis bon nombre d’années. Les propriétaires augmentent les loyers ou se défont de leurs propriétés abordables pour les convertir en locations plus coûteuses ou en condominiums. Le désir de compenser les pressions économiques causées les tarifs risque d’accélérer ce phénomène.
Parallèlement, le secteur du logement sans but lucratif et coopératif est confronté à des difficultés financières croissantes. Contrairement aux propriétaires privés, il ne peut répercuter ces hausses sur ses loyers.
Certaines mesures pourraient atténuer l’impact des tarifs :
- Un allégement temporaire des tarifs sur les projets de logement hors marché pour limiter les hausses de coûts.
- Un fonds de stabilisation des loyers afin d’éviter que les hausses de coûts ne se répercutent sur les ménages les plus vulnérables.
- Un renforcement du financement, notamment via l’expansion du Fonds pour accélérer la construction de logements, pour garantir la viabilité des projets malgré une conjoncture défavorable.
- Le déblocage immédiatement les 4 milliards de dollars pour le logement communautaire autochtone afin de répondre aux besoins urgents en matière de logement dans les communautés autochtones.
- La multiplication des fonds d’acquisition provinciaux et territoriaux de logements locatifs sont essentiels pour préserver leur abordabilité en sortant du marché. La mise en œuvre rapide du programme fédéral de 1,5 milliard de dollars, permettrait de répondre à l’urgence actuelle. Ces fonds contribueraient aussi à maintenir les logements sous contrôle canadien, réduisant le poids des investisseurs étrangers qui sont principalement américains.
Au-delà des défis, une opportunité
Le logement communautaire est une infrastructure clé pour la stabilité économique et sociale. En l’intégrant pleinement dans les stratégies d’investissement et en réduisant les barrières à son expansion, les décideurs publics pourraient transformer durablement le marché et assurer une croissance inclusive et résiliente.
Les nouveaux tarifs compliquent l’accessibilité au logement, mais rappellent aussi l’importance stratégique du logement communautaire. Avec des mesures adaptées, il est possible d’atténuer leurs effets et de renforcer la résilience économique du pays.