Les Journées d’étude internationales sur le logement social et communautaire, tenues récemment à Montréal, ont rassemblé un nombre important de leaders québécois du secteur de l’habitation communautaire autour d’une ambition commune : trouver des solutions durables pour renforcer le modèle québécois en s’inspirant de réussites internationales.
C’est avec bonheur que le Centre a pu contribuer à cette démarche en mettant de l’avant la transformation culturelle du secteur comme solution.
À la suite de ces Journées d’étude, nous vous proposons de faire un sommaire essentiellement basé sur le rapport produit par la Fédération des OSBL d’Habitation de Montréal (FOHM).
S’inspirer des modèles de financement internationaux
Les discussions des Journées d’étude ont permis de mettre en lumière plusieurs modèles de financement de pays européens qui ont su atteindre des proportions de logements sociaux et communautaires nettement supérieures à celles du Québec. Parmi ces exemples, les cas de la France, du Danemark et de l’Autriche offrent des solutions éprouvées, qui ont permis de créer et de maintenir un nombre significatif de logements à but non lucratif.
La France, avec son Union Sociale pour l’Habitat (USH), regroupe divers types d’organisations de logements à but non lucratif. Cette organisation coordonne et soutient le secteur pour atteindre les objectifs de développement du parc de logements sociaux.
L’USH offre également une structure de gouvernance unifiée qui permet une continuité des financements, un modèle qui montre l’importance d’une structure de gouvernance centralisée et stable. Ce concept pourrait solidifier le modèle québécois, actuellement morcelé entre plusieurs types de structures.
Le modèle danois, quant à lui, se distingue par un financement hypothécaire nationalisé, géré par la Banque centrale du Danemark. Ce système assure la stabilité et l’autonomie du secteur du logement social face aux fluctuations économiques.
Le Danemark a permis aux organismes de logement social de contracter des prêts à des taux très bas, soutenant ainsi le développement à long terme de logements abordables.
Ce modèle pourrait inspirer le Québec, où le recours aux banques et à leurs taux souvent plus élevés pose un défi de taille pour les acteurs communautaires.
Enfin, en Autriche, le modèle de financement repose sur un système de financement renouvelable qui assure un financement stable et durable, permettant de réinvestir les remboursements dans de nouveaux projets de logement social.
Les coopératives jouent aussi un rôle central dans la fourniture de logements abordables. Ces coopératives bénéficient d’un soutien gouvernemental sur le long terme, ce qui leur permet de développer des projets et de les maintenir en dehors du marché spéculatif. Ce modèle coopératif montre l’importance de soutenir des initiatives locales et de garantir une vision pérenne pour le secteur du logement communautaire.
Le Québec, qui compte la moitié des coopératives d’habitation au Canada, pourrait tirer des leçons de ce modèle, particulièrement en renforçant le soutien financier et la formation pour favoriser leur croissance et leur résilience.
Orientations concrètes pour le Québec
Les enseignements tirés de ces modèles internationaux révèlent des pistes claires pour améliorer le modèle québécois. Ces orientations visent non seulement à accroître le nombre de logements sociaux et communautaires, mais aussi à transformer en profondeur le secteur, pour le rendre plus autonome, résilient et capable d’adopter des approches entrepreneuriales.
« Il faut revenir à des mesures de programmes plus souples, plus innovantes, en prenant davantage en compte les dimensions sociales et les diversités des situations. »
André Fortin – Conseiller stratégique à la Caisse d’économie solidaire Desjardins
Créer un système de financement résilient est une priorité pour que le secteur puisse se prémunir des variations économiques et des changements de gouvernement.
Comme le démontrent les exemples européens, un système de financement pérenne au Québec nécessiterait une collaboration étroite entre les divers paliers gouvernementaux, pour assurer une cohérence des programmes et une prévisibilité des investissements.
Cette orientation permettrait également aux organisations du secteur de planifier leurs projets à long terme, sans dépendre de cycles politiques ou de programmes de courte durée.
Fixer un objectif de 20 % de logements sociaux et communautaires dans le parc locatif d’ici quinze ans représente un défi de taille, mais aussi une nécessité pour répondre aux besoins actuels de la population.
En visant ce seuil, le Québec devra relever le défi de construire ou d’acquérir environ 10 000 à 12 000 logements par an, contribuant ainsi à une plus grande stabilité pour les ménages les plus vulnérables.
Inspiré par les taux atteints en France et au Danemark, cet objectif pourrait être atteint en mobilisant les municipalités et en adaptant les réglementations pour qu’elles puissent soutenir ce développement.
Développer un fonds auto-renouvelable, comme au Danemark, permettrait au secteur de moins dépendre des financements traditionnels et des prêts bancaires, souvent moins avantageux.
Ce fonds pourrait fonctionner sur le principe du recyclage des capitaux, où les intérêts et le capital sont réinvestis dans le développement de nouveaux logements. Un tel mécanisme de financement pourrait également encourager des partenariats avec des fondations et des investisseurs valorisant le rendement social, favorisant un modèle économique viable.
Enfin, réviser les critères d’accessibilité aux logements communautaires pour inclure des ménages de différents niveaux de revenus renforcerait l’équité et la diversité dans le secteur.
L’élargissement des critères permettrait de répondre aux besoins des ménages à revenu faible et moyen, tout en s’assurant que les plus vulnérables restent prioritaires. Cet équilibre entre mixité sociale et accessibilité pourrait être un levier pour faire accepter de nouveaux projets et pour consolider le modèle de logement communautaire comme un pilier du développement social.
Vers la transformation de la culture du secteur communautaire
Les Journées d’étude internationales ont mis en avant des modèles de financement inspirants où les acteurs communautaires mobilisent des fonds autorenouvelables et des partenariats privés. Cette capacité à diversifier les ressources et à innover est essentielle pour le Québec, où l’atteinte de 20 % du parc locatif en logements sociaux et communautaires requiert une vision à long terme.
« On sent une volonté très affirmée des acteurs au Québec d’aller plus loin, et de voir ce parc de logement s’agrandir et prendre une place importante. […] Le secteur est vraiment prêt à trouver des solutions et est capable de le faire. »
Chantal Desjardins, directrice générale FOHM
Pour le Centre, le secteur doit impérativement réaliser un changement de culture afin de devenir plus fort et résilient. Il s’agit de valoriser l’innovation, l’audace et la proactivité afin de réinventer les modes de financement.
Si l’on veut propulser la portion du maché résidentiel locatif québécois appartenant au communautaire de 7% actuellement à 20% en 15 ans, il est nécessaire de multiplier les initiatives comme le Fonds PLANCHER. Nous devons développer des modèles d’affaires donnant au secteur communautaire la même agilité que le secteur à but lucratif.
Cela lui permettra de se positionner comme un acteur innovant et proactif, capable de jouer un rôle moteur dans la réponse à la crise du logement et la transformation de l’habitation à l’échelle nationale. Cela le rendra par la même occasion moins dépendant des subventions publiques et des changements politiques.
Nous vous invitons à lire le rapport de cette journée ici.