Les communautés noires du Canada ont connu une histoire de discrimination, de ségrégation et d’inégalité persistantes en matière de logement. Depuis la côte est de la Nouvelle-Écosse, dans le quartier d’Africville, au début des années 1960, en passant par l’ouest, dans le quartier de Hogan’s Alley, en Colombie-Britannique, à la fin des années 1960, jusqu’à l’actuelle Little Jamaica, à Toronto, la population noire a subi et subit encore de la discrimination en matière de logement qui menace continuellement la croissance de ses communautés.
Comment cela s’est-il passé au fil des ans ? Les histoires de Vancouver et de Halifax
Dans les années 1960, bien après la mise en œuvre de la loi nationale sur le logement, les communautés noires étaient encore confrontées à la discrimination raciale quotidienne de la part des propriétaires, des agents immobiliers et de leurs voisins. Une forme de « redlining » a été exercée pour exclure les communautés noires des services financiers et des prêts hypothécaires résidentiels, une pratique discriminatoire illégale. Le terme « redlining » est apparu en référence aux marques rouges sur les cartes utilisées par les sociétés de prêt pour délimiter les quartiers métis ou noirs comme des zones de faible solvabilité.
À Vancouver, c’est à Hogan’s Alley que les familles noires avaient élu domicile, un refuge côtoyant différentes communautés ethniques dans le quartier de Strathcona. Et bien qu’il s’agisse d’un centre culturel populaire pour la communauté noire, Hogan’s Alley était dépeint comme un lieu de pauvreté et de criminalité dans les médias. La ville a mis en place une série de tactiques visant à déplacer les résidents et à faire place à une autoroute interurbaine pour faire place aux viaducs Georgia et Dunsmuir, sous le couvert de la rénovation urbaine et de l’élimination des bidonvilles. Les règlements municipaux ont été modifiés pour décourager le développement résidentiel dans le quartier, rendant difficile l’obtention d’un prêt hypothécaire ou la réalisation de travaux d’amélioration des logements, ce qui a alimenté la réputation de bidonville de ce quartier, les commerces et les habitations tombant en ruine. En conséquence, la plupart des bâtiments de Hogan’s Alley ont été rasés. La communauté a été dispersée et Il ne reste aujourd’hui que peu de traces de la communauté noire.
À l’autre bout du pays, l’histoire d’Africville commence quelque part à la fin des années 1700 et au début des années 1800. Située sur une côte rocheuse, la petite communauté se composait d’environ 500 personnes issues de la diaspora noire. Bien que les résidents payaient des taxes municipales, la ville d’Halifax refusait de leur fournir des services d’égouts, d’eau potable ou d’élimination des déchets. Dans les années 1960, de nombreux résidents d’Africville n’avaient toujours pas l’eau courante ni de système d’égouts. La ville déclara qu’Africville « serait toujours un district industriel » et y installa une prison, une décharge à ciel ouvert, un abattoir et un hôpital pour maladies infectieuses. Et comme pour Hogan’s Alley, le zonage a été modifié afin de déplacer les habitants et de favoriser la réalisation de projets industriels, notamment une voie rapide qui n’a jamais vu le jour.
Du « redlining » à la gentrification
Les quartiers de Hogan’s Alley et d’Africville avaient su tirer le meilleur parti de la situation et étaient profondément fiers de leurs communautés qui, malgré cela, ont été déplacées et dispersées à jamais. Bien que la ville d’Halifax se soit excusée pour la démolition et ait rétabli le nom d’Africville dans le Seaview Park en 2011, et que la ville de Vancouver cherche des moyens de se repentir et de réaménager le quartier de manière à reconnaître l’histoire des Noirs de Hogan’s Alley, le mal est loin d’être réparé.
De surcroît, l’embourgeoisement moderne menace de disperser une autre communauté historiquement noire, Little Jamaica, dans le quartier Eglinton Oakwood de Toronto. Là encore, la construction du TLR (train léger sur rail) d’Eglinton entraîne la perte de nombreuses unités de logement et le déplacement de ménages, en raison de la flambée des prix des nouveaux immeubles. L’un des signes les plus évidents de l’embourgeoisement est la hausse soudaine des prix des logements dans un quartier.
Dans ce contexte, plusieurs entreprises appartenant à des Noirs et à des Caribéens ont dû fermer leurs portes et la communauté continue de courir le risque d’être déplacée.
Que pouvons-nous faire pour l’avenir ?
Il est temps de s’attaquer à l’iniquité historique et permanente dont souffrent les communautés noires dans le secteur du logement. Au Centre, nous sommes conscients du privilège que nous détenons dans le domaine de la transformation du logement, et de la responsabilité qui en découle. C’est pourquoi nous faisons partie d’une initiative avec des organisations noires de partout au Canada visant à établir un Centre de ressources techniques en habitation pour les communautés noires (CHCN), afin d’assurer un meilleur accès au logement pour les communautés noires et de renforcer leur leadership dans le secteur.
Non seulement pendant le Mois de l’histoire des Noirs, mais en tout temps, il importe de collaborer avec les communautés noires pour amplifier le travail des professionnels et des experts du milieu, afin de reconstruire, de fortifier et de créer un parc de logements neufs et abordables. Grâce à cet engagement, le Centre apportera son expertise pancanadienne en matière de logement communautaire, son expérience en tant que rassembleur et sa capacité organisationnelle pour créer un élan autour de cette initiative.
Nous reconnaissons qu’il ne s’agit que d’un petit pas vers la réalisation du travail à accomplir. Mais nous espérons que le début de cette transformation ouvrira la voie à un véritable changement.