Le mois dernier, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a publié son rapport annuel sur le marché locatif canadien. Ses conclusions n’ont rien de surprenant : la crise s’aggrave comme nous l’observons depuis déjà plusieurs années. Nous proposons un résumé de ses grandes conclusions que nous mettons en perspective avec des solutions portées par le secteur du logement communautaire :
- La demande dépasse l’offre en 2022
- Les taux d’inoccupations sont aux plus bas niveaux
- Les loyers des logements vacants s’élèvent de façon alarmante
- Les locataires à faible revenu ont de plus en plus de difficulté à accéder au logement
- Le rôle du secteur communautaire : 2 approches pour contrer la crise
La demande dépasse l’offre sur le marché locatif en 2022
Les conclusions du rapport mettent en évidence ce que l’on sait depuis longtemps : l’offre de logements locatifs ne suffit pas à la demande et bien que la construction augmente progressivement, elle est incapable de répondre aux besoins des ménages canadiens.
Sans surprise, c’est dans les plus grandes villes du pays que la demande de logements locatifs est la plus forte. Elle est déterminée par une série de facteurs comme la croissance démographique et le fait que la propriété soit inabordable pour un grand nombre de ménages. Là où les coûts de location sont les plus élevés, l’offre de logements locatifs est la plus limitée. Par conséquent, les options pour les locataires dans le système de logement locatif du Canada sont plus rares.
Le taux d’inoccupation des logements locatifs traditionnels est à son plus bas niveau depuis 2001
Au niveau national, le taux d’inoccupation des appartements locatifs est passé de 3,1 % à 1,9 % en 2022, mettant fin à une période de stabilité de deux ans. Dans de nombreuses villes, les taux d’inoccupation sont à des niveaux presque historiques, certaines villes connaissant des taux alarmant de 1 % ou moins, comme Gatineau (0,8 %), Vancouver (0,9 %) et Halifax (1 %).
Selon le rapport, l’augmentation de la demande est due à plusieurs facteurs, notamment la croissance démographique, la migration et une transition plus lente vers l’accession à la propriété parce qu’un nombre croissant de locataires ne peut acheter une maison. Les coûts en sont trop élevés et les options de financement de moins en moins accessibles. En outre, la demande est influencée par le retour des étudiants sur les campus et l’arrivée de nouveaux résidents dont le nombre se rapproche des niveaux prépandémiques.
La faiblesse des nouveaux niveaux d’inoccupation a un effet proportionnel sur les augmentations de loyer dans la plupart des centres. Les loyers des appartements traditionnels de deux pièces ont augmenté en moyenne de 5,6 % en 2022, un nouveau record annuel qui dépasse largement la moyenne de 2,8 % enregistrée entre 1990 et 2022. Cette réalité exacerbe les difficultés rencontrées par les locataires à faible revenu.
Hausse alarmante des loyers des logements vacants et du coût global des locations
Une autre donnée frappante observée dans le rapport est la différence entre les loyers des logements occupés et ceux des logements vacants beaucoup plus élevés en 2022. Par exemple, à Vancouver, les loyers des unités vacantes sont en moyenne 43 % plus élevés que ceux payés pour des unités occupées.
Au niveau national, les données du rapport montrent que les appartements de deux chambres à coucher qui ont subi une rotation de locataires ont connu une augmentation de 18,3 % en moyenne, contre 2,9 % pour les appartements qui n’en ont pas connu. Les loyers augmentent considérablement lorsqu’un logement passe d’un locataire à un autre, alors que le loyer des logements occupés est souvent contrôlé grâce à des plafonds mis en place dans plusieurs provinces. Cette tendance se manifeste partout au Canada, même dans les centres ruraux et non urbains, non couverts par le rapport, où les augmentations rapportées officieusement semblent aussi importantes que les données fournies par l’enquête. Par conséquent, la location devient nettement plus chère.
Au niveau des collectivités, cela devrait servir d’avertissement, car les hausses rapides de loyer ont une incidence directe sur les taux d’itinérance comme révélé par les études. Par exemple, une étude menée en 2013 par des chercheurs aux États-Unis a examiné les facteurs pouvant mener à l’itinérance sur un échantillon de 10 000 adultes en situation de pauvreté. L’étude a démontré que les augmentations de loyer étaient le facteur le plus fortement susceptible de mener quelqu’un à l’itinérance, et que pour chaque augmentation de 100 $ du loyer médian, l’itinérance augmentait de 15 % à 39 %, selon la juridiction urbaine ou rurale.
Les problèmes d’accessibilité au logement sans cesse croissants
Les groupes déjà vulnérables sont toujours les plus touchés par une crise. Ainsi, ce sont les locataires à faible revenu qui sont les plus affectés par la détérioration du parc de logements locatifs abordables. Le rapport démontre que, dans des communautés comme Winnipeg et Saskatoon, les locataires des quintiles de revenu les plus bas ont accès à moins de 7 % des logements disponibles; les autres n’étant pas à la portée de leur bourse. Ces données confirment l’urgence de se pencher sur les problèmes d’accessibilité au logement auxquels sont confrontés les ménages à faible revenu.
Deux modèles afin de pallier les problèmes d’accessibilité au logement
Le Centre de transformation du logement communautaire croit que le secteur communautaire a un rôle central à jouer pour lutter contre la crise du logement. C’est pourquoi il fait promotion de modèles innovants afin de doter le secteur d’un plus grand pouvoir d’action et de contrer la flambée des prix des loyers pour pallier les problèmes d’accessibilité au logement.
Plancher : par le bien commun, pour le bien commun
Le Centre est d’avis qu’une partie de la solution consiste à agrandir substantiellement le parc immobilier hors marché. L’écosystème du développement du logement communautaire tel qu’on le connaît n’est pas outillé adéquatement pour réaliser cet objectif. Nous croyons toutefois qu’il en a les ressources au moins dans les provinces où il est le mieux structuré.
En collaborant à des solutions holistiques et à travers la mutualisation des ressources, le secteur communautaire peut devenir le fer de lance de la transformation logement au Canada.
C’est ce que le secteur de l’habitation communautaire québécois tente d’accomplir avec le projet pilote Plancher. Lancé au début de 2022 par le Centre, il consiste à unir les acteurs et les actrices du secteur afin de transformer les actifs du parc immobilier communautaire en levier financier permettant l’acquisition et le développement d’unités de logements abordables hors marché. L’initiative a pour ambition de mettre sur pied un nouvel écosystème capable de simplifier et d’accélérer le développement de logements communautaires à travers la province. C’est ainsi que des dizaines de milliers d’unités supplémentaires pourraient devenir disponibles rapidement sur le marché locatif.
À terme, fort de l’expérience acquise au Québec, le Centre aimerait travailler avec le secteur communautaire d’autres provinces pour y reproduire le modèle.
Une approche agile et performante pour le financement du secteur
Investir dans la capacité du secteur du logement communautaire à remplir sa fonction est une nécessité qui fait l’unanimité dans bien des milieux. La Stratégie nationale sur le logement l’a prévu et, parmi les initiatives qui en découlent, la SCHL finance le Centre dont la mission est d’agir comme catalyseur de la croissance du logement communautaire afin que ce dernier puisse mieux répondre aux besoins des Canadiens et des Canadiennes.
L’originalité de cette approche est de confier à un organisme fondé et administré par des organisations de première ligne le mandat de contribuer à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes de financement. Cela permet au gouvernement de profiter de l’expertise, de la compétence, de l’énergie et de la volonté de ces groupes. C’est un avantage de taille, car il dote le programme de l’agilité nécessaire pour mener des processus d’allocation et de définition de règles dynamiques ajustées en fonction de leur validation rapide sur le terrain.
Alors que les programmes traditionnels répondent aux besoins du secteur dans un intervalle d’un à deux ans (parfois plus), ceux du Centre le font en quelques mois. C’est un modèle porteur qui fait ses preuves notamment en Nouvelle-Écosse avec le Fonds de croissance du logement communautaire. Ouvert en octobre 2022, le fonds a connu un tel succès que le gouvernement de Nouvelle-Écosse a annoncé vouloir doubler le fonds à peine quelques mois plus tard, en décembre 2023.