Les organisations confessionnelles sont souvent riches en actifs, mais pauvres en argent. Avec un peu d’aide, elles peuvent toutefois agir pour soutenir l’offre en logements abordables de leurs communautés, et ainsi s’attaquer à des problèmes comme la solitude ou l’itinérance. C’est ce qu’a fait la Co:Here Housing à Vancouver, née d’un partenariat entre l’église Grandview et la Salsbury Community Society.
Todd Kenneth, le plus jeune de huit enfants, avait seulement 7 ans quand sa famille s’est brisée. Ce traumatisme a eu un impact profond sur son sentiment d’appartenance. Vivant des moments d’itinérance tout au long de sa vie, il a eu des difficultés à trouver un logement sécuritaire et stable et une communauté bienveillante.
« Les seules personnes à qui je parlais étaient les gens dans les magasins ou le chauffeur d’autobus, et je me sentais… Je pouvais réellement sentir mon esprit se faner », raconte Kenneth dans une vidéo à propos de Co:Here Housing, un immeuble d’appartements à revenus mixtes de Vancouver, où il habite maintenant.
« J’ai perdu ma capacité à être sociable. Je crois que l’isolement social est une composante importante des défis que rencontre notre ville à l’heure actuelle. »
Malgré le fait que Vancouver figure dans les palmarès mondiaux des villes les plus agréables où vivre, habiter dans le Grand Vancouver rime davantage avec « survivre » qu’avec « vivre » pour environ un tiers des ménages, alors que plusieurs sont aux prises avec des loyers élevés, et qui sont en augmentation constante.
Co:Here Housing a été créé non seulement pour fournir un refuge sécuritaire et abordable à ceux et celles qui en ont besoin, mais aussi pour s’attaquer à un autre malaise social : la solitude. L’Organisation mondiale de la Santé l’a déclarée problème de santé publique, et il appert qu’elle cause autant de dommages que l’obésité et que fumer 15 cigarettes par jour.
Un sondage de la Vancouver Foundation publié en 2017 indiquait que 23 % des résidents de Vancouver rapportaient passer du temps seuls plus souvent qu’ils ne le voudraient. La proportion augmente à 47 % pour ceux et celles dont le revenu annuel est en-dessous de 20 000 $.
Afin d’apaiser la solitude et la déconnexion culturelle, Co:Here Housing a été conçu en offrant une place centrale aux connexions humaines. Alors que le pourcentage des espaces communs dans la plupart des immeubles d’appartements est de 15 % à 20 %, c’est 47 % de sa superficie qui est dédiée à la vie commune.
Il s’agit d’une heureuse découverte pour les gens comme Kenneth.
« Quand j’ai lu le formulaire de demande pour Co:Housing, il y avait [une question à propos de] ce que ça veut dire être un bon voisin [et] à propos de faire des choses de façon intentionnelle dans la communauté, a dit Kenneth. Ça m’a vraiment interpellé et ça me semblait être quelque chose qui correspondait à ma vie, quelque chose que je voulais depuis longtemps. »
Jusqu’à l’âge de 52 ans, Kenneth avait déménagé plus de 50 fois. Il a dit qu’il s’agissait de la première fois où il se sentait stable et en sécurité.
Pour Kenneth et d’autres, le nouvel appartement était comme envoyé du ciel. Et ce n’est pas qu’une métaphore.
Car il y a seulement quelques années, le site où se trouve l’immeuble d’appartements de quatre étages était un stationnement abandonné qui appartenait à l’église Grandview.
Des débuts modestes
« Je ne veux pas décrire une situation idéalisée, parce que ça été très chaotique à certains moments », raconte à son tour dans la vidéo de Co:Here la pasteure de l’église Grandview, Joy Banks.
« Alors que l’église essayait de faire participer la communauté, un travailleur social a demandé : “qu’est-ce que vous faites pour essayer d’agir contre l’itinérance?”, et cela nous a ouvert la porte à un long cheminement. [Je veux dire], qu’est-ce qu’on fait pour agir contre l’itinérance? Quelle est notre responsabilité par rapport à ça? »
Ce questionnement a suscité l’établissement d’un nouveau partenariat avec la Salsbury Community Society, et les premiers pas dans le secteur du logement ont eu lieu en 1997. En utilisant des habitations existantes, ils ont centré leurs activités sur la vie en communauté intentionnelle dans des maisons unifamiliales. Et même s’il y a eu des résultats positifs, certains défis, comme le manque d’intimité et les contraintes architecturales, ont été difficiles à surmonter.
Plusieurs essais et erreurs ont été un tremplin pour une nouvelle vision : le développement d’un complexe d’appartements conçu, dès le départ, pour la communauté et pour susciter l’appartenance.
« L’église Grandview et la Salisbury Community Society avaient cette vision d’un nouveau type d’habitation, et ils ont tourné en rond pendant des années, en étant incapables d’avancer, ajoute la chargé de projet à la Co:Here Foundation, Rebecca Pousette. Ils ont fondé la Co:Here Foundation pour orienter le développement du projet. »
Et au début des années 2000, l’église Grandview a donné un terrain à la Co:Here Foundation, ce qui a donné le coup d’envoi au projet.
Co:here Housing a ouvert ses portes en 2018 sur l’ancien stationnement de l’église Grandview après un processus qui a duré 13 ans.
Trouver une nouvelle fonction
Même si plusieurs organisations confessionnelles ont aussi affirmé être intéressées à contribuer à fournir des logements abordables, très peu ont réussi à le faire.
Dit simplement, les organisations confessionnelles qui possèdent des terrains sont souvent riches en actifs, mais pauvres en argent. Leurs terrains peuvent valoir des millions, mais elles n’ont généralement pas l’expertise ni les ressources financières pour réaliser des réaménagements substantiels.
« Pendant le processus [de développement], plusieurs églises et organisations confessionnelles sont venues nous voir pour nous dire : “nous aimerions avoir votre aide, pouvez-vous nous aider? Nous adorons ce projet” et nous n’avions simplement pas la capacité de répondre parce que nous sommes basés sur le volontariat, affirme Pousette. Alors nous avons repris notre souffle en 2019 et nous avons dit : “vous savez quoi? Qu’est-ce que nous pourrions offrir à ce secteur? Est-ce qu’il y a un besoin?”»
N’étant pas qu’une source d’inspiration, la Co:Here Foundation cherche à fournir des services qui vont aider d’autres organisations confessionnelles à surmonter les défis qui surgissent pendant leur parcours. Le Centre de transformation du logement communautaire, en reconnaissance des effets importants que cela peut avoir sur le secteur, a accordé une subvention de 65 000 $ à la Co:Here Foundation pour démarrer le processus.
« Bien que Co:Here dépend encore largement de l’expertise en développement des bénévoles de notre conseil, cette subvention nous permet d’embaucher des employés pour que ces projets continuent, pour démarrer notre projet pilote et pour commencer à travailler avec d’autres organisations, dit Pousette. Nous n’aurions pas pu commencer à développer notre capacité sans la subvention. Ça a été un catalyseur pour nous. »
Les organisations religieuses possèdent pour 7 milliards en immeubles et en terrains dans la région métropolitaine de Vancouver et dans le Grand Victoria. Faire en sorte de répliquer la réussite de Co:Here Housing pourrait avoir des effets majeurs sur le secteur du logement communautaire dans les milieux urbains de la Colombie-Britannique. Que ce soient des espaces verts, des résidences, des stationnements ou des centres d’entrainements, le potentiel de projets est énorme.
« Les organisations confessionnelles ont une chance incroyable de se mobiliser et de répondre au besoin que nous avons de logements abordables, sans qu’elles aient à abandonner leurs sites ou à déplacer leurs communautés, ajoute Pousette. J’espère [qu’elles] vont s’apercevoir de cette chance incroyable qu’elles ont de faire beaucoup de bien dans leur voisinage. »