Des obstacles majeurs empêchent les femmes victimes de violence d’accéder à un logement après avoir subi un traumatisme. L’itinérance, souvent sous-estimée en raison de sa nature invisible chez les femmes, touche de nombreuses victimes de violence, en particulier celles ayant des enfants. Leur quête de logements se heurte à des obstacles structurels, tels que l’écart salarial, ce qui les met à rude épreuve. Pour celles qui arrivent à être hébergées dans des maisons de transition, et malgré l’aide des programmes de soutien, un engorgement alarmant persiste. Il empêche leur transition en douceur et ceci crée un effet de vague sur l’ensemble du continuum.
La situation est particulièrement préoccupante en Colombie-Britannique où des statistiques de BC Housing révèlent que seulement 4 % des femmes qui quittent les maisons de transition obtiennent un logement abordable. La plus grande majorité d’entre elles (75 %) se retrouvent dans des situations de logement précaires (famille, refuges, etc.) ou dans l’itinérance. 6 % d’entre elles retournent dans la relation violente qu’elles ont tenté de fuir.
Situation de logement des femmes ayant quitté des maisons de transition de première étape en CB
De trop nombreuses femmes victimes de violence n’ont pas accès à un logement abordable et stable après avoir quitté un partenaire violent. Cela les met en situation de précarité. Certaines d’entre elles retournent dans la relation abusive.
La province s’est dotée du modèle des « safe homes », proposant des séjours de courte durée dans des endroits isolés. Cependant, la pénurie de logements appropriés et abordables dans les communautés ne fait qu’aggraver la situation. Il faut davantage de logements de tous types et il faut que ces logements répondent aux besoins spécifiques des personnes qui fuient une relation violente.
Nous avons rencontré Kaayla Ashlie de BC Society of Transition Houses (BCSTH) pour discuter du travail de l’organisation visant à transformer cette sombre réalité.
La voie pour répondre aux besoins en logements pour les femmes victimes de violence
En 2018, la Colombie-Britannique a effectué un virage stratégique lorsque le gouvernement provincial a affecté plus de 700 millions de dollars au développement de logements dans le secteur de la lutte contre la violence. Son objectif est de construire 1 500 logements pour les femmes et les enfants victimes de violences au cours d’une décennie.
Cette injection de fonds promet une transformation qui ne serait pas possible autrement. Pour Kaayla Ashlie, la prochaine étape consiste à fournir aux organisations du secteur des ressources permettant d’augmenter leur capacité à réaliser ce développement. Plusieurs organisations font la transition vers un nouveau modèle, devenant des fournisseurs de logements à long terme pour la première fois dans certains cas. Avec plus de 130 organisations membres réparties dans toute la province et jusqu’au Yukon, la BCSTH est une organisation provinciale qui améliore le continuum des services et des stratégies visant à répondre à la violence contre les femmes, les enfants et les jeunes, à la prévenir et à y mettre fin. L’organisation a mené des travaux novateurs sur les aspects de la conception des logements (le design), et du développement de projets de logements abordables pour les organisations qui fournissent des logements aux femmes et à leurs enfants.
Les femmes victimes de violence ont besoin de plus qu’un abri pour se remettre d’expériences traumatisantes. Elles ont besoin de ressources de seconde étape et de logements adaptés à leur réalité. La pénurie de logements abordables aggrave la situation en limitant les options pour échapper à la violence ou pour l’éviter.
En décomposant l’affectation du fonds provincial, un mélange stratégique est révélé : 25 % pour le logement à long terme, 50 % pour le logement de deuxième étape et 25 % pour le refuge immédiat. L’accent mis sur le logement de deuxième étape découle de la reconnaissance de son rôle essentiel afin d’assurer davantage de sécurité aux femmes sur la voie de la guérison, confirme Ashlie.
« Des groupes de discussion avec des femmes ayant vécu l’expérience ont fourni des indications précieuses sur le type de logement qui favorise un sentiment de sécurité et facilite la guérison », affirme-t-elle. Ce processus a impliqué une collaboration avec des experts en matière de logement et a mené à l’élaboration de deux nouvelles ressources sur le sujet.
Les trousses à outils de la BCSTH
Des solutions de logement qui tiennent compte des traumatismes liés à la violence sont la voie à prendre. C’est dans cet esprit que La BCSTH a développé ses trousses d’outils, centrées sur les femmes.
Leur projet Keys to Home, financé avec le soutien du Centre par le biais du Fonds de transformation du secteur, et fruit d’une collaboration avec la BC Non profit Housing Association, a commencé par un rapport d’analyse des lacunes. Cette première enquête auprès des membres et des organisations du secteur du logement communautaire a permis d’identifier les principales lacunes. Elle a identifié deux besoins essentiels : une vue d’ensemble du processus de développement comprenant la terminologie et les facteurs clés, et des ressources pour la fourniture de logements à long terme d’un point de vue centré sur les femmes. C’est à partir de ces conclusions que la trousse à outils du projet Keys to Home a été créée.
La première trousse, publiée en mars 2023 et intitulée la boîte à outils pour la conception de logements axés sur les femmes, s’est concentrée sur le design. Elle tient compte des traumatismes et de la violence et les traduit dans l’espace physique d’un bâtiment en préconisant une approche holistique. Elle intègre l’intersectionnalité, reconnaît les expériences uniques des femmes autochtones et encourage les espaces qui s’alignent sur les principes de conception décolonisés. Des considérations pratiques tenant compte des traumatismes et de la violence s’étendent à des détails subtils, mais cruciaux, comme le fait d’éviter les plafonds lambrissés, qui peuvent évoquer des espaces institutionnels. Cette boîte à outils fournit des plans détaillés que les architectes peuvent utiliser. Elle joue également un rôle d’outil de plaidoyer pour l’obtention d’un meilleur financement, selon Ashlie.
Des ressources pour aider les fournisseurs de logements travaillant sur ces enjeux
Le Centre est heureux de contribuer avec ses partenaires à construire des ponts entre le logement communautaire et la lutte contre la violence faite aux femmes. En plus de contribuer au financement de projets, nous mettons à la disposition de l’ensemble du secteur des ressources produites partout au Canada et ailleurs par des experts en logement dans notre Inventaire des ressources.
Voici une sélection de ressources disponibles sur le sujet :
Agir pour prévenir les violences et le harcèlement en OSBL d’habitation
Accès au logement, aux refuges et aux programmes de placement en sécurité
L’enquête pancanadienne sur le besoin en logement et l’itinérance chez les femmes