Il faut parler des questions de logement et de l’itinérance chez les femmes qui se retrouvent particulièrement vulnérables dans un contexte où la financiarisation du logement en aggrave la rareté. Au cours des dernières années, la pandémie a exacerbé la violence domestique au sein des foyers et la hausse actuelle du coût de la vie place les familles souffrant de précarité financière dans une situation d’autant plus délicate. La crise du logement qui fait rage au pays contraint parfois les femmes à demeurer dans une situation de logement précaire mettant à mal leur intégrité physique et psychologique.
En cette journée de sensibilisation sur les droits des femmes et les disparités des genres, le Centre de transformation du logement communautaire souhaite s’exprimer sur le sens d’un chez-soi pour chacune, sur les obstacles auxquels les femmes font face pour avoir accès à un logement sécuritaire, sur les lacunes que l’écosystème du logement éprouve actuellement et, enfin, sur les initiatives porteuses de changement.
Le foyer comme pilier identitaire
La maison ne peut être restreinte à une seule vocation utilitaire. La maison est un lieu de construction identitaire, un lieu de transmission de savoir et d’histoire entre les différentes générations comme l’explique Monica Lafontaine, coach du programme de stagiaire autochtone du Centre. Peu importe sa taille ou son emplacement, un foyer devrait être un endroit librement choisi et partagé avec des personnes de confiance qui contribue à faire de la maison un environnement chaleureux, bienveillant et sécuritaire. Lieu de partage relationnel et familial, une maison, lorsqu’elle est dénaturée par la violence, peut devenir extrêmement difficile à quitter.
La discrimination subie par les femmes racisées et les femmes avec des enfants
Les femmes aux prises avec des responsabilités familiales, des difficultés financières, ainsi que des enjeux de santé physique et mentale se retrouvent dans une position de vulnérabilité rattachée à leur statut de femme et jumelée aux autres oppressions qu’elles peuvent vivre. En effet, les femmes racisées, autochtones, immigrantes, réfugiées et en situation de handicap notamment, doivent affronter des défis qui s’additionnent et qui leur sont propres, rappelle Lisa Ker, directrice générale adjointe du Centre.
Considérant que les femmes ont souvent à charge des enfants, nombreuses sont les mères qui décident de rester dans une relation toxique par crainte de risquer l’itinérance pour elles et leur famille. Ainsi, beaucoup de femmes mettent leur sécurité en péril faute de ressources et de programmes leur permettant de sortir du cycle de violence dans lequel elles sont piégées.
Les mères de famille subissent également de la discrimination de la part de propriétaires refusant de louer leur logement à des familles nombreuses ou dont les revenus sont précaires. Il a été documenté que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à occuper des postes au salaire minimum et à temps partiel, à souffrir de pauvreté chronique et à assumer la garde des enfants dans les foyers monoparentaux (Enquête pancanadienne sur le besoin en logement et l’itinérance chez les femmes, 2021). Alison Lair, chargée de programme au Centre, explique que, dans un contexte de crise de logement où les propriétaires reçoivent beaucoup de candidatures, les femmes se retrouvent souvent perdantes. En effet, les propriétaires ont le luxe de prioriser des locataires sans enfants et avec les salaires les plus élevés.
L’itinérance chez les femmes, un enjeu méconnu
L’itinérance au féminin et au sein de la diversité de genre prend un visage bien différent de leur penchant masculin, les femmes itinérantes sont beaucoup moins visibles dans les rues, mais sans pour autant être épargnées de ce fléau. Se retrouvant dans une position de vulnérabilité importante lorsque la nuit tombe, beaucoup de femmes choisissent de recourir à leur réseau informel, et ce, même lorsqu’elles sont victimes d’abus ou d’exploitation en échange d’un logis. RaeChelle-Faith, coordonnatrice au développement de programme au Centre, explique que les refuges pour les personnes en situation d’itinérance sont souvent mésadaptés aux réalités des femmes. Par exemple, le fait qu’ils soient mixtes ou que les enfants ne soient pas acceptés peut décourager certaines femmes à y recourir. Puisque les femmes ont tendance à se cacher, elles ne sont pas comptées dans les statistiques officielles sur l’itinérance, ce qui appauvrit les programmes ainsi incapables de répondre à leurs besoins.
Dans son Enquête pancanadienne sur le besoin en logement et l’itinérance chez les femmes (2021), l’Observatoire canadien sur l’itinérance constate que « 47 % des femmes interrogées ont déclaré qu’une rupture amoureuse était le catalyseur de leur vie dans la rue ». Bon nombre de femmes se retrouvent donc en situation de dépendance envers leur relation de couple. Ceci les confronte à un dilemme perdant : choisir entre une relation toxique ou l’itinérance. Collectivement, on se doit de leur offrir une porte de sortie avec l’hébergement d’urgence et le logement communautaire.
Le logement communautaire comme solution structurante
Le Centre de transformation du logement communautaire est d’avis que l’itinérance devrait être un enjeu de droit humain. Le droit au logement doit être mis de l’avant dans les médias et au sein des politiques publiques avec une attention particulière pour les femmes et les personnes issues de la diversité. Le logement communautaire est une approche qui permet de répondre à des besoins variés allant du centre de crise au logement abordable. La question de manque de place d’hébergement ne se limite pas uniquement au premier lieu d’hébergement d’urgence, mais s’étend aussi aux maisons de 2e étape. Ces logements sécuritaires permettent aux femmes de trouver un répit pendant un an ou deux par exemple, le temps de reconstruire leur vie comme mère monoparentale. Le logement communautaire est donc une solution structurante pour les femmes et leurs enfants vivant avec la pauvreté chronique et des enjeux psychosociaux. Le logement communautaire par et pour les femmes permet de prioriser une approche centrée sur les besoins et les réalités multiples des femmes sollicitant ce service.
Plusieurs initiatives appuyées par le Centre de transformation du logement communautaire se sont révélées être un modèle de succès comme en témoigne le Centre de support pour les femmes et leurs enfants victimes de violence conjugale du YWCA de Saskatoon. Ce centre offre 54 unités de logement de différents types disponibles pour des femmes et leurs enfants. Les résidentes ont accès à une panoplie de services communautaires contribuant aux histoires de succès rapportées. 92% des résidentes y ayant séjourné affirment qu’elles vivent maintenant dans un logement stable et que leur situation personnelle progresse. Il est, par ailleurs, prévu d’ajouter 33 unités supplémentaires, car l’organisme peine à répondre à la demande.
Le thème du gouvernement du Canada pour la Journée internationale des femmes de 2023 est : Chaque femme compte. Le Centre de transformation du logement communautaire ne pourrait être plus d’accord avec cette affirmation. Lisa Ker rappelle que chaque logement communautaire créé est un pas de plus vers l’équité entre les genres au Canada. C’est pourquoi le Centre souhaite mettre en lumière des solutions structurelles au problème systémique de la précarité des femmes au pays. Le logement permet de s’attaquer, à la fois, à des enjeux de violence conjugale, de discrimination, d’itinérance, de pauvreté chronique et de monoparentalité. Les défis sont immenses, les solutions doivent être transversales et à la hauteur des valeurs célébrées collectivement en cette journée internationale des femmes. Le logement communautaire agit ainsi comme solution porteuse de sens et de résultats.
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