Le secteur Milton Parc, à Montréal, possède une longue histoire de mobilisation citoyenne contre le développement de grands projets privés et pour l’habitation sociale et communautaire. Or, le combat n’est pas terminé. Le Comité des citoyen(ne)s Milton Parc continue de mobiliser la population, maintenant principalement autour du réaménagement des sites des anciens hôpitaux Royal Victoria et Hôtel-Dieu.
Le Comité des citoyen(ne)s Milton Parc a emménagé il y a quelques semaines dans ses nouveaux locaux de l’avenue du Parc, qui étaient auparavant ceux du Centre d’écologie urbaine. « Ce sont des locaux à vocation communautaire », raconte Nathan McDonnell, qui coordonne les activités du comité de ce quartier situé à la limite sud-ouest de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, à Montréal.
Nathan nous propose de faire l’entrevue sur le toit du bâtiment, où se trouve un espace pour un joli jardin en bacs. Du toit, on a aussi une bonne vue d’ensemble sur les grandes tours d’habitation, de bureaux et l’hôtel (maintenant une résidence universitaire) qui ont été érigés dans les années 1970 par un promoteur privé, et contre lesquelles les citoyen.ne.s s’étaient mobilisés dès 1968.
Même si ces cinq tours existent, la mobilisation avait été une réussite. Car il y aurait pu y en avoir beaucoup plus. Le promoteur a abandonné les phases 2 et 3 de son projet. Et, à l’endroit où il aurait pu y avoir d’autres gratte-ciels, six OSBL et seize coopératives d’habitation sont nées. Avoir toute cette histoire derrière soi « montre que c’est possible [de changer les choses] », affirme Nathan.
Cinquante ans plus tard, la lutte n’est toutefois pas terminée. Le comité se bat aujourd’hui pour s’assurer que deux immenses bâtiments du quartier, qui abritaient des hôpitaux maintenant déménagés et intégrés à des méga centres hospitaliers universitaires, conservent leur vocation publique. La réappropriation de lieux pour en faire des projets communautaires est au cœur des activités du comité.
« Une chose qu’on veut absolument, dit Nathan, c’est que le site du Royal Victoria ne soit pas privatisé. Même [dans l’éventualité d’] un projet de campus pour l’Université [McGill], on préfère fortement que la propriété foncière ne soit pas donnée à l’université, mais que le gouvernement reste propriétaire, pour éviter une privatisation dans l’avenir. »
« Aussi, on veut que les autres pavillons sur le site soient utilisés pour les besoins de la communauté, particulièrement pour le logement communautaire, incluant le logement pour les aînés et le logement intergénérationnel. »
Le Centre de transformation du logement communautaire a accordé 49 955 $ au Comité des citoyen(ne)s Milton Parc par l’entremise du Fonds d’initiative d’aide communautaire aux locataires.
La mobilisation, c’est du travail
La subvention permet notamment au groupe de payer les salaires d’employé.e.s, comme Nathan, qui sont essentiel.le.s à une mobilisation efficace. Celui qui est maintenant responsable de la mobilisation du comité a œuvré pendant plusieurs années dans le comité à titre bénévole, en plus de vivre dans le quartier, d’abord dans une OSBL d’habitation et maintenant dans une coopérative.
« Ces sites sont tellement grands et complexes, et ça prend du temps, se mobiliser sur ces [enjeux]. C’est pour ça qu’avoir une subvention, c’est super important. Parce que c’est très difficile [d’obtenir du] financement pour la mobilisation des locataires. »
D’après Nathan, la mobilisation que fait le comité touche différentes générations. « Pour moi, c’est un mouvement intergénérationnel. Il y a des personnes plus aînées, de 60 ans et plus, qui étaient impliquées depuis longtemps, et aussi il y a des jeunes, des étudiants. »
Dans les derniers mois, le Comité des citoyen(ne)s Milton Parc a organisé différents événements de sensibilisation et de mobilisation avec les citoyen.ne.s, dont des assemblées citoyennes et des ateliers d’éducation populaire.
Par exemple, l’événement « À qui appartient la ville? Repenser le pouvoir citoyen et l’aménagement populaire » proposait une série d’ateliers sur, notamment, le financement et le montage de projet, et sur la collaboration dans un paysage à multiples réseaux. Organisé en octobre avec des groupes communautaires d’autres secteurs de Montréal, il a rassemblé 80 personnes.
Le comité a aussi conduit un sondage auprès de 350 personnes pour connaître les souhaits et les demandes de la population pour le site du Royal Victoria. « Le gouvernement québécois fait son plan, l’université fait son plan, la municipalité fait son plan… Mais nous voulions surtout savoir ce que les citoyens veulent », avance Nathan. D’après les résultats, le logement, qu’il soit social, en coopératives, de transition, pour étudiant.e.s ou sous forme de refuge arrive en tête de liste des sujets abordés par les répondant.e.s au sondage.
Le comité planche aussi sur la rédaction d’un mémoire dans le cadre d’une consultation organisée par l’Office de consultation publique de Montréal au sujet du site de l’ancien hôpital.
« Quand la consultation publique sera finie, c’est sûr que notre travail de mobilisation ne va pas être terminé », précise Nathan. « Il faut que ça continue, il faut faire le suivi. C’est une chose de faire une consultation publique, et c’est une autre chose de s’assurer que les recommandations soient mises en place. »
Des « relations tendues »
Milton Parc a connu, dans les dernières années, une augmentation de l’itinérance, et notamment de l’itinérance autochtone. Un refuge, auparavant situé dans un autre secteur de la ville, a déménagé dans le quartier en 2018 puisque l’église qui l’hébergeait a été vendue pour l’aménagement de condos. Des résident.e.s du quartier se sont plaint.e.s. Des reportages dans les médias parlent de « relations tendues » et de « cohabitation difficile ».
« C’est un enjeu complexe », explique Nathan. « Mais ça montre le besoin urgent pour des solutions sérieuses et permanentes », croit le coordonnateur. « Un refuge, c’est bien, c’est important, ça sauve des vies. Mais nous devons aller au-delà des refuges. Une partie de la solution est le logement, et une autre partie de la solution est plus de services culturellement appropriés pour la communauté autochtone itinérante. »