Alors que la crise de la Covid-19 a largement affecté les opérations du Centre et celles de nos partenaires, mes vacances étaient une occasion bien appréciée pour faire de nouvelles rencontres. Durant un voyage vers Calgary, prévu depuis quelque temps, j’ai profité d’un moment de qualité avec ma conjointe tout en échangeant avec des partenaires en santé et en logement communautaire. Malgré l’ensemble des incertitudes reliées à la planification du voyage en ère de COVID-19, nous étions prêts à improviser pour trouver des activités et surtout des places où se loger.
Quelques jours avant notre départ, j’ai échangé avec l’OSBL d’habitation Horizon Housing avec qui j’avais collaboré dans les derniers mois sur deux projets subventionnés par le Centre. Un premier projet, Appropriate Housing for Indigenous Communities, vise à mener une évaluation des différents facteurs menant au faible taux de rétention des locataires autochtones dans leurs logements. Le deuxième projet permettra à l’OSBL d’effectuer une planification stratégique afin de cibler les besoins des différentes populations vulnérables et les opportunités de développement à Calgary. La directrice générale d’Horizon Housing, Martina Jileckova, m’a partagé une excellente suggestion pour mes vacances : The Elan.
C’est avec un brin de fierté qu’elle nous a indiqué que son organisme venait de faire l’acquisition de ce nouvel immeuble, sans nous donner plus de détails. En arrivant à l’adresse indiquée après plusieurs heures de voyage, nous réalisons que l’immeuble en question, The Elan, est en fait un hôtel. C’est Noeme Afrika, une employée d’Horizon Housing et l’ancienne gérante de l’hôtel, qui nous accueille avec un grand sourire et le professionnalisme des grands hôtels. Elle nous explique avec fierté que l’ancien hôtel était le mieux coté à Calgary avec un mobilier venant de l’Italie et des sièges de toilette chauffants. Notre chambre confirme notre première impression dans le lobby, nous sommes effectivement dans un hôtel ‘’chic’’. Noeme nous explique que leurs revenus annuels venaient presque exclusivement des 10 jours de tourisme liés au Stampede, l’événement iconique de rodéo.
L’incertitude liée à la crise de la COVID et l’arrêt du tourisme ont poussé le propriétaire à vendre l’immeuble. Elle nous avoue que la chose la plus difficile fut pour elle de mettre à pied la vingtaine d’employés qui travaillaient avec elle; d’autres victimes de la crise qui nous affecte tou.te.s. La situation actuelle en Alberta est difficile; une province déjà en perte de vitesse avec le ralentissement du secteur des hydrocarbures, la crise a fait augmenter le taux de chômage à près de 20 %, il y a seulement quelques années. Plus tard, je rencontre Martina qui m’explique comment son organisme s’est retrouvé en possession de cet immeuble. C’est notamment grâce au généreux don d’un philanthrope et par l’équité hypothécaire que son organisme détient sur d’autres immeubles qu’ils ont pu effectuer l’achat. Son enthousiasme concernant les perspectives de développement est contagieux. Elle m’explique que le donateur n’a exigé que de garder le nom actuel de l’immeuble. Ce nom résonne pour elle, il représente cet « Elan » de générosité qui permettra à l’organisme d’insuffler son propre élan dans le quartier.
Horizon Housing doit encore déterminer quel groupe cible occupera les chambres qui seront converties en location à long terme. Le but sera de créer un milieu de vie mixte avec une partie des loyers au prix du marché et l’autre dédiée à des locataires à faible revenu. Martina souhaite profiter de l’emplacement qui est à deux pas de la 17th Street, l’une des belles artères commerciales en développement à Calgary. La conversion de l’immeuble permettra de ramener des résident.e.s dans ce quartier central et de créer un espace de plus pour la communauté. En effet, l’hôtel comporte plusieurs espaces communs, tels qu’un café-bistro avec une cuisine commerciale, des salles de réunions et une salle d’entraînement qui pourront servir à des activités communautaires telles que des cours de cuisines et des activités d’art.
Elle précise que son organisme est spécialisé dans la brique et le mortier et qu’elle compte consulter différents groupes-partenaires pour identifier les personnes qui pourraient bénéficier de ces 60 unités. Ce seraient les mêmes organisations qui viendraient animer des activités communautaires. Il y a donc une grande réflexion à avoir pour établir le modèle qui permettra de rentabiliser ce nouvel espace. Pendant notre séjour, Pam McGladdery se joint à nous, pour notamment visiter l’hôtel. Elle est la directrice du Universal Réhabilitation Service Agency (URSA) qui travaille à la réhabilitation de personnes ayant subi un traumatisme crânien ou vivant avec d’autres difficultés. Elle vient voir si les logements peuvent convenir à ces personnes et comment ils devraient être modifiés pour répondre à leurs besoins particuliers.
Il est intéressant de voir comment Horizon a pu bénéficier de la crise pour reprendre et convertir un espace commercial dans un milieu de vie qui contribuera à modifier le paysage urbain de cette partie de la ville. Cette initiative répondra certainement au manque de logement abordable à Calgary, une ville qui était tout juste en ‘comeback’ suite à un ralentissement économique en 2015-2016 qui a affecté toutes les sphères de la vie, dont le logement. Dans le contexte particulier de la crise sanitaire, cette acquisition d’immeubles par des organismes à but non lucratif est une mesure efficace pour assurer l’accès au marché immobilier pour les personnes à moyens et faibles revenus.
En disant au revoir à Martina, je lui demande si elle a pu réembaucher certains des anciens employés qui travaillaient à l’hôtel. Elle me dit que Noeme est l’une des deux seuls employés qu’ils ont pu engager pour simplifier la transition. Les activités d’Horizon avec cet immeuble ne demanderont jamais autant d’employés que The Elan à titre d’hôtel. Avant de quitter l’hôtel, nous écrivons un message de remerciement à Noeme pour son bon accueil. Nous ne pouvons pas nous empêcher de penser au fait que nous avons probablement été ses derniers clients.
Luc Labelle, chargé de programmes au Centre