L’année a été longue pour la plupart d’entre nous, mais nous entrons enfin dans la période des Fêtes. Que nous songions à Noël, à Hanoukka, à Kwanzaa ou tout simplement à notre besoin d’un congé tranquille, nos demeures sont au cœur des célébrations d’hiver. Un abri chaleureux par une journée neigeuse, la douceur réconfortante des réunions sociales et familiales, la joie simple de partager un repas commun sont autant de plaisirs que nous attendons avec impatience.
Peut-être avez-vous vu les manchettes sur le « village des tentes » de Montréal, une communauté d’une centaine de sans-abris du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Des scènes semblables se jouent partout au pays. Avec l’arrivée de l’hiver et de ses nuits glaciales, Montréal a doublé ses efforts pour fermer le campement en demandant aux gens de partir volontairement. On leur offre deux options : un YMCA de l’est de la ville à proximité du campement ou un hôtel du centre-ville transformé en refuge nocturne pour les personnes sans-abris — d’où elles sont expulsées tous les matins.
Cette semaine, la méthode douce a été remplacée par une approche plus musclée alors que les policiers se sont rassemblés à 5 heures du matin le 7 décembre pour expulser les campeurs, pendant que des camions à ordures se tenaient prêts à collecter les biens laissés sur place. Comme l’a fait remarquer Eve-Marie Lacasse, de la Ligue des droits et libertés du Québec, « les informations qui proviennent de témoins sur place sont extrêmement inquiétantes. Des centaines de policiers présents, lourdement armés ; la cavalerie est présente ; un cordon de sécurité pour boucler le secteur ; impossibilité de prendre des photos sans cartes de presse… » Est-ce vraiment notre réponse à la crise du logement ?
Plusieurs ont accepté l’offre de gite temporaire, mais la plupart souhaitent ce que bien des gens tiennent pour acquis : un lieu où l’on se sent en sécurité pour vivre, rêver, manger et se rassembler. Alors, plutôt que de prendre la solution de compromis, beaucoup de sans-abris préfèrent affronter les rigueurs de l’hiver.
« Un gite d’urgence, c’est comme une ambulance. Un bon système de santé a des ambulances, mais des ambulances ne constituent pas un bon système de santé. »
– Stéphan Corriveau, directeur général du Centre
« La lutte contre l’itinérance passe par la construction de logements », nous rappelle Stéphan Corriveau, directeur général du Centre. « Les services d’urgence ne sont pas des solutions à long terme. Un gite d’urgence, c’est comme une ambulance. Un bon système de santé a des ambulances, mais des ambulances ne constituent pas un bon système de santé. La réponse à l’itinérance ne passe pas par l’ajout d’abris temporaires. »
Être sans-abri n’est pas une maladie : c’est le symptôme d’un problème beaucoup plus large et profond qu’on ne peut résorber avec des logements temporaires, et ce même avec les meilleures intentions du monde. La nourriture, le logement et la communauté sont des besoins humains fondamentaux. Si nous faisons abstraction de la communauté, alors nous ne créons pas des logements mais des cellules d’isolement.
Dans cet esprit communautaire, malgré l’énorme travail qui attend l’équipe du Centre et ses partenaires, il est important de célébrer nos victoires collectives :
- Le gouvernement fédéral a dégagé 1,1 milliard de dollars pour construire 3000 logements sociaux d’ici 2022 dans le cadre de l’Initiative pour la création rapide de logements.
- La ville de Vancouver a approuvé un plan d’un milliard de dollars visant l’acquisition de 105 hôtels de chambres à occupation simple dans le quartier Downtown Eastside.
- Ottawa a créé le tout premier Conseil national du logement sur lequel siègeront Tim Ross, président du conseil d’administration du Centre, et plusieurs autres grands défenseurs du logement dont Tim Richter, de l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance, nommé à titre de coprésident du conseil.
- Le Centre distribué plus de 6,9 millions $ à 106 projets en 2020, alors que nous travaillons ensemble à construire une communauté du logement plus forte grâce à l’éducation, au partage de connaissances et à l’action collective.
C’est le bon moment pour la plupart d’entre nous, acteurs du logement communautaire, de reconnaître l’importance du travail que nous faisons. Nous ignorons ce que nous réserve 2021, mais si nous nous fions sur 2020, le secteur du logement communautaire saura s’adaptera et relever les défis. Et c’est peut-être ce sur quoi nous pourrions méditer durant les fêtes : être reconnaissants des progrès et des victoires collectives en ces temps difficiles, tout en demeurant conscients du long chemin à parcourir, en espérant que nous ferons le trajet tous ensemble.