L’impératif du logement communautaire dépasse la contribution au filet social et s’impose comme une nécessité économique selon une étude sur l’impact du logement communautaire sur la productivité économique.
L’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine (ACHRU), Housing Partnership Canada et des partenaires du secteur ont mandaté la firme Deloitte pour entreprendre cette étude. Les résultats démontrent un lien de cause à effet entre le logement communautaire et les gains de productivité économique.
Ce travail essentiel met en lumière la pertinence et la nécessité d’investir dans le logement communautaire. Il donne des arguments précieux à l’ensemble du secteur afin de faire avancer notre mission commune.
C’est d’ailleurs ce qui a poussé l’ACHRU à conduire son enquête. En entrevue, Ray Sullivan, Directeur général de l’ACHRU, nous confiait que la relation entre le logement communautaire et la productivité n’était jusqu’ici qu’une intuition pour plusieurs. Nous en avons maintenant la preuve.
D’autre part, il est souvent sous-entendu que la création de logements communautaires coûte très cher. Cette croyance teinte les points de vue d’un grand nombre de parties prenantes dont celui de gouvernements canadiens. Pour Ray Sullivan, il était nécessaire de démontrer qu’il y a aussi un coût à ne pas investir dans le communautaire.
« Nous connaissons les arguments relatifs au droit au logement. Nous connaissons l’argument social et nous voulions trouver un argument économique supplémentaire qui continuerait à soutenir ce que nous essayons de faire avancer », affirme Sullivan.
Le logement communautaire : solution à la crise du logement et vecteur de richesse
Alors que les coûts du logement continuent à augmenter rapidement, 2,6 millions de Canadiennes et de Canadiens se trouvent en situation de besoins impérieux de logement. Le nombre insuffisant de logements communautaires contribue à cette réalité. Les listes d’attente sont de plus en plus longues et les projets peinent à trouver le financement nécessaire pour voir le jour.
Au Canada, un ménage sur dix est mal logé à cause de la qualité, de la sécurité ou de l’inabordabilité de son logement. C’est au Nunavut qu’on retrouve le plus grand nombre de ménages avec des besoins impérieux de logement (40%).
Parallèlement, le Canada est confronté à un ralentissement de sa productivité. Celle-ci est en retard par rapport aux pays membres de l’organisation de coopération et de développement économique (l’OCDE). Cette tendance s’est accentuée depuis la fin de la pandémie.
Le taux de croissance de la productivité du Canada est en retard par rapport à la plupart des pays membres de l’OCDE.
« Nous ne résoudrons pas nos problèmes économiques tant que nous n’aurons pas résolu nos problèmes de logement. Et il s’avère que la solution est la même. Il s’agit d’augmenter l’offre de logements communautaires. »
Ray Sullivan, Directeur général de l’ACHRU
Selon Deloitte et l’ACHRU, l’observation des liens entre la productivité et le logement communautaire depuis 1962 démontre que la croissance du nombre de logements communautaires va de pair avec la croissance de la productivité. Investir dans le logement communautaire aurait donc un effet double: diminuer la crise du logement et stimuler l’économie canadienne.
« Lorsque nous avons commencé l’étude, nous ne savions pas quel serait le résultat. […] Il s’agit d’une enquête économique honnête et il n’était pas certain qu’il y aurait un résultat tangible et significatif. Il y en a eu un, et non seulement il était tangible et significatif, mais il a aussi été testé de cinq manières différentes aboutissant au même résultat. Il s’agissait en fait d’un résultat de causalité », explique Sullivan.
L’investissement dans le logement communautaire stimule l’économie
Le logement communautaire représente en moyenne 7 % du parc total de logements dans les pays de l’OCDE. Au Canada, malheureusement, il n’occupe actuellement que 3,5% du marché. Le rapport avance que le Canada devrait produire 371 600 nouvelles unités communautaires s’il veut rejoindre la moyenne de l’OCDE.
Le Canada est sous la moyenne de l’OCDE en termes de parts de marché du logement communautaire.
Un investissement important est nécessaire en Ontario, au Québec, en Colombie-Britannique et en Alberta pour atteindre la cible de 7% de parts de marché d’ici 2030.
Cela peut paraître beaucoup, mais l’étude démontre qu’en atteignant cet objectif, le pays pourrait accroître sa productivité économique de 5,7 % à 9,3 %. Cela qui équivaudrait à une augmentation estimée du PIB, allant de 67 milliards à 136 milliards de dollars.
L’augmentation des parts de marché du logement communautaire a un impact positif sur la productivité et le PIB. « Lorsqu’il s’agit de faire bouger l’aiguille de la productivité économique, c’est vraiment significatif », commente Ray Sullivan.
Le logement communautaire stimule la création de nouveaux emplois, améliore les emplois existants et, par le fait même, la qualité de vie des Canadiens et des Canadiennes. Il stimule la croissance en renversant les effets négatifs du marché spéculatif sur la productivité.
La marchandisation de l’habitation fait accroitre les coûts des loyers forçant les ménages à s’éloigner des centres pour se loger. Ils se retrouvent ainsi loin de leur lieu d’emploi et passent beaucoup de temps dans les transports. De plus, les ménages canadiens, consacrant une très grande part de leurs revenus au logement, n’ont pas le moyen d’améliorer leur qualité de vie ou de se développer professionnellement. Ces contraintes n’affectent pas les personnes vivant dans des logements hors spéculation.
Les entreprises aussi sont touchées par cette réalité. Dans certaines parties moins densément peuplées du pays comme le Nord par exemple, les entreprises doivent réduire leur budget de croissance pour financer le logement de leurs employé.e.s. D’autres renoncent à s’installer dans des régions où la main d’œuvre n’est pas assez qualifiée notamment parce que le coût élevé des loyers les forcera à payer des salaires dont elles n’ont pas les moyens pour attirer celle qui l’est. Ces faits démontrent que le logement communautaire n’est pas seulement un investissement social, un filet pour les plus démunis, mais un vecteur de développement économique.
Le coût élevé du logement sur le marché privé n’est pas productif pour l’économie. C’est un investissement mort, englouti dans un capital immobilier profitant à un très petit nombre d’acteurs et d’actrices économiques. Le logement communautaire enraie les effets néfastes de la financiarisation de l’habitation et stimule la productivité ainsi que la richesse du pays.
L’ACHRU estime que les gains pour l’économie seront supérieurs aux coûts dans les deux ans suivant la réalisation de l’objectif de l’accroissement du parc immobilier communautaire de 7%. Cela représente un délai de récupération incroyablement court pour n’importe quel type d’investissement.
Les recommandations de l’ACHRU pour améliorer le PIB et les conditions de vie
Le rapport se termine par cinq recommandations visant à augmenter l’offre de logements communautaires et à encourager la productivité du Canada :
- Accroître l’investissement dans le logement communautaire pour stimuler la productivité et le PIB du Canada.
- S’engager à fournir un financement stable et prévisible, ainsi que des incitatifs fiscaux pour construire de nouveaux logements et doter les fournisseurs de logements communautaires des ressources nécessaires pour renouveler ou acquérir des logements sur un horizon à long terme.
- Fournir un financement spécifique pour le logement autochtone en milieux urbain, rural et nordique.
- Améliorer la collaboration entre les gouvernements provinciaux, les municipalités et les constructeurs pour résoudre la crise du logement.
- Soutenir l’innovation canadienne qui permet de construire des logements plus rapidement, de manière durable et à un prix abordable.
Ces recommandations forment un cadre global visant non seulement à atténuer la crise du logement, mais aussi à réanimer la productivité économique du Canada d’une manière durable et équitable.
Dans l’énoncé économique d’automne 2023, le gouvernement s’est engagé à verser 15 milliards de dollars supplémentaires à un programme destiné au logement sur le marché à but lucratif et seulement 1 milliard de dollars de contributions au logement hors marché.
Selon les auteurs de ce rapport, le gouvernement n’investit pas assez dans le communautaire. Il faut se concentrer sur l’augmentation de l’offre de logements hors marché « non seulement parce que le droit au logement l’exige, non seulement parce que nos communautés et nos voisins en ont désespérément besoin, mais aussi parce que cela contribue à améliorer l’économie » affirme Sullivan, concluant : « Nous ne résoudrons pas nos problèmes économiques tant que nous n’aurons pas résolu nos problèmes de logement. Et il s’avère que la solution est la même. Il s’agit d’augmenter l’offre de logements communautaires. »