Dans le secteur de South Parkdale à Toronto, les maisons de chambres sont essentielles pour fournir des logements abordables à de nombreux habitants de ce quartier ouvrier et multiculturel. Face à la pression concertée des promoteurs immobiliers qui cherchent à réaliser des profits plus élevés en convertissant ces chambres en appartements plus grands, le Parkdale Rooming House Eviction Prevention Project informe les locataires actuels de leurs droits et les aide à contester les évictions.
South Parkdale est un quartier dense qui connaît l’embourgeoisement et la précarité du logement. « Un peu moins de quatre-vingt-dix pour cent des résidents de South Parkdale sont des locataires », explique Cole Webber, travailleur juridique communautaire au Parkdale Community Legal Services. « [Ceux-ci] subissent de très fortes pressions provenant du marché locatif. On cherche avec acharnement à les déplacer. »
Situé à l’ouest du centre-ville de Toronto, le quartier est aussi l’un des plus diversifiés de la ville, comptant d’importantes populations tibétaine, philippine, polonaise et hongroise.
« [C’est] historiquement un quartier d’ouvriers et d’immigrants, de sorte que nous avons vu des vagues successives de nouveaux arrivants s’installer à Parkdale », ajoute Webber.
Les maisons de chambres, où les gens louent une chambre et partagent des espaces de vie communs comme les salles de bain et les cuisines, constituent une part importante du parc de logements abordables pour les populations à faible revenu. Étant donné que 45 % des résidents de Parkdale vivent seuls, il n’est pas surprenant que ce type de logement s’y soit multiplié.
Selon Tom Ermidas, lors de son témoignage à la CBC sur les maisons de chambres de Parkdale, ces lieux sont une bouée de sauvetage, le seul moyen pour les personnes marginalisées comme lui de rester dans le quartier.
« Je serais mort, dit-il sincèrement. J’ai été [dans Parkdale] toute ma vie. »
Bien qu’il s’agisse d’une forme de logement illégale dans la majeure partie de Toronto, les maisons de chambres sont légales dans Parkdale.
Sa maison de chambres est autorisée, sûre et propre. Selon Ermidas : « C’est un cadeau du ciel ».
Cependant, le quartier est confronté à une double menace, car les tendances du marché et les lacunes législatives érodent l’abordabilité et la disponibilité des maisons de chambres.
Un secteur en mutation
À South Parkdale, où le loyer moyen d’un studio était de 1 038 $ en octobre 2020, les locataires des maisons de chambres paient souvent de 500 $ à 750 $ pour une chambre, bien que la diminution constante de ces chambres dans le quartier fasse grimper les prix en flèche.
« Le marché du logement locatif incite les propriétaires à chasser les locataires à faible revenu en raison de la façon dont le contrôle des loyers fonctionne en Ontario », explique Webber.
Au cours d’une location, le loyer peut être augmenté une fois par an et doit respecter les directives gouvernementales. Toutefois, si le locataire quitte son logement, le propriétaire peut augmenter le loyer sans limites.
Webber explique : « C’est une situation où les propriétaires peuvent obtenir des centaines de dollars de plus par mois si un locataire de longue date s’en va et est remplacé par un nouveau. »
De plus, des investisseurs cherchent à tirer parti d’un secteur immobilier rentable et contribuent aussi à la hausse des loyers. Ils achètent des immeubles puis en modifient la disposition pour créer des logements locatifs plus grands et plus chers afin de maximiser les profits.
« Ces processus se déroulent de manière assez intensive dans Parkdale », ajoute Webber.
Un changement récent dans la propriété d’un immeuble est un signal d’alarme. Cela indique souvent que les locataires seront confrontés à une pression pour déménager. Mais il existe des recours juridiques et les locataires peuvent éviter l’éviction. Ils ont juste besoin d’un peu d’aide pour commencer leur démarche.
Pour aider les locataires vulnérables des maisons de chambres, les Parkdale Community Legal Services et le Parkdale Neighbourhood Land Trust ont collaboré au Parkdale Rooming House Eviction Prevention Project.
Utilisant des méthodes traditionnelles de sensibilisation, telles que le porte-à-porte et les visites à domicile, ces organisations à but non lucratif s’efforcent d’appuyer les locataires avec des activités de renforcement des capacités, telles que l’éducation et la formation au leadership.
« Lorsque les locataires souhaitent s’engager [nous les aidons] à organiser des réunions et à former des comités dans leurs immeubles. Ainsi des mesures collectives peuvent être mises en place pour répondre à d’autres préoccupations concernant leurs conditions de vie », explique Webber.
La création d’une association de maisons de chambres à Parkdale est également en cours. Les dirigeants des différents comités de locataires seront réunis pour cerner les principaux problèmes et établir les priorités stratégiques.
Plus qu’un toit sur la tête
Le Centre de transformation du logement communautaire a accordé 85 000 $ pour appuyer et favoriser l’autonomie des locataires des maisons de chambres de Parkdale.
« C’est énorme », dit Webber à propos de ce financement. « Les gens sont confrontés à une pression assez intense pour déménager. C’est de loin notre domaine de travail le plus actif et le plus sollicité, tant en matière d’organisation communautaire que de travail individuel, puisque nous représentons aussi les personnes menacées d’expulsion devant la [Commission de la location immobilière] ».
Le financement du Centre aide les organismes sans but lucratif à avoir un plus grand impact dans la communauté en leur permettant d’embaucher du personnel pour travailler aux côtés de l’équipe du logement à la clinique juridique, d’élargir leur rayonnement et de former davantage de locataires.
Webber ajoute que les maisons de chambres peuvent offrir bien plus qu’un toit sur la tête : elles peuvent favoriser un sentiment de communauté et diminuer l’isolement social.
« L’existence de ce type d’immeubles est importante, car il devrait y avoir des endroits où les personnes seules peuvent se loger à un prix abordable et interagir socialement. »
« Je ne veux pas idéaliser ce type de logement, mais il répond à des besoins spécifiques en matière de logement », ajoute M. Webber.