Le Caucus autochtone de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine a été bien occupé ces derniers mois. Il a proposé, en novembre, une stratégie pour les Autochtones, par les Autochtones, afin de s’attaquer aux difficultés vécues par ceux-ci dans le domaine du logement. Cette stratégie constitue « un tournant […] pour les 87 % des ménages autochtones qui vivent en milieu urbain, rural et nordique ». Saisissant l’occasion du congrès virtuel de l’ACHRU qui se déroulera en avril, le Caucus invite maintenant la population à s’impliquer en faveur de la stratégie ou à s’informer à son sujet pour mieux cheminer vers la réconciliation.
Le mouvement vers la réconciliation avec les peuples autochtones au Canada connait un élan de plus en plus marqué depuis quelque temps, particulièrement dans le secteur du logement communautaire. On trouve d’ailleurs, parmi les conférenciers vedettes qui participeront au congrès virtuel de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine, — qui se déroulera du 27 au 29 avril et qui aura pour thème le logement et l’itinérance — des personnalités autochtones connues comme l’auteur Métis-Cri Jesse Thistle, qui met un visage humain sur l’itinérance vécue par les Autochtones avec son récit personnel, From the Ashes, et la militante pour l’environnement Sheila Watt-Cloutier, qui a mis en lumière les effets des changements climatiques sur les communautés inuites.
Le Caucus autochtone de l’ACHRU, qui se réunira la veille du congrès, mettra de l’avant, pendant le congrès, des événements comme des « forums de l’innovation » où seront explorés des thèmes, tels que les partenariats, et des stratégies touchant à la résilience dans le secteur du logement abordable.
L’événement se déroulera après des mois très occupés pour le Caucus autochtone. En effet, celui-ci a lancé en novembre la stratégie en logement pour les Autochtones, par les Autochtones (For Indigenous, by Indigenous, ou FIBI, en anglais) qui pourra agir de guide pour un éventuel plan concernant les Autochtones des milieux urbains, ruraux et nordiques.
Grâce notamment à une campagne de sensibilisation énergique, la stratégie FIBI a fait partie des soumissions prébudgétaires faites au comité finances de la Chambre des communes.
Comme l’a mentionné récemment le directeur général de la Ontario Aboriginal Housing Services Justin Marchand au National Observer, une stratégie en logement pour les Autochtones, par les Autochtones est essentielle à la réconciliation. Il a ainsi fait remarquer que « le logement est mentionné 299 fois dans l’enquête sur [les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées] ». Marchand a été nommé comme successeur à Robert Byers (aussi président et directeur général de la Namerind Housing Corporation) à la présidence du Caucus autochtone de l’ACHRU.
Le site Web de l’initiative mentionne que, si elle est adoptée par Ottawa, la stratégie constituerait « un tournant, une occasion qui ne se présente qu’une fois dans une génération […] pour les 87 % des ménages autochtones qui vivent en milieu urbain, rural et nordique. »
Retour dans le temps
En 1963, le gouvernement fédéral a commandé une enquête à propos des conditions sociales vécues par les peuples autochtones. Les résultats, publiés dans ce qui est connu comme le rapport Hawthorn, ont démontré que les peuples autochtones étaient les populations les plus désavantagées et marginalisées du Canada. L’étude a mené, en 1972, à ce que le fédéral s’engage à construire 50 000 logements hors réserve, et au développement d’un programme de logement dans les communautés rurales et éloignées géré par la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Le but était de fournir des prêts hypothécaires à faible taux d’intérêt et des subventions à des groupes sans but lucratif œuvrant en logement locatif. À la suite de cette initiative, le Programme de logement pour Autochtones en milieu urbain a été créé afin d’offrir des suppléments au loyer aux locataires autochtones.
Un demi-siècle plus tard, un rapport de l’ONU dénonçait les difficultés d’accès à des logements stables et notait le rôle joué par les conditions « exécrables » d’habitation dans la pauvreté et l’exploitation à laquelle sont confrontés les Autochtones.
Comme le savent trop bien la plupart des fournisseurs de logement autochtones et leurs alliés, les mesures présentement en place ne sont pas suffisantes pour améliorer de façon significative la crise du logement qui sévit dans les villes ou dans les réserves. Alors que les ententes d’exploitation qui comprennent des suppléments au loyer pour les Autochtones arriveront à échéance en 2040, le Caucus a déjà commencé un processus de réflexion pour identifier la meilleure façon de financer le logement autochtone partout au Canada.
Cet effort arrive à point, puisque la première Stratégie nationale sur le logement du Canada a vu le jour en 2017. Le plan de 70 milliards de dollars s’étalant sur 10 ans vise à renforcer le secteur du logement communautaire et à diminuer de moitié l’itinérance chronique.
La stratégie comprend un financement accru pour les peuples autochtones, et identifie des approches distinctes pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Toutefois, elle ne comprend pas un plan particulier pour les peuples autochtones vivant en milieu urbain, rural ou nordique — ce que le Caucus autochtone de l’ACHRU croit essentiel.
« Il y a beaucoup d’Autochtones sans statut, de même que des personnes qui ne sont pas incluses dans ces stratégies », explique le gestionnaire du Caucus, Steven Sutherland. « Par exemple, la stratégie pour les Premières Nations ne touche qu’au logement sur réserve, alors que la stratégie pour les Inuits se concentre sur le Inuit Nunangat, qui comprend la patrie des Inuits. Il y a un grand nombre d’Autochtones — près de 80 % — dont les situations ne sont pas prises en compte dans ces stratégies. »
C’est la raison pour laquelle, après une consultation auprès de ses membres, le Caucus a mis à jour sa stratégie. « Elle prendrait en considération tous les Autochtones qui ne sont pas présentement inclus dans les trois stratégies existantes », ajoute Shuterland.
Une approche holistique pour le logement
Pour les Autochtones, par les Autochtones est essentiellement un appel à l’action pour une stratégie globale en logement, qui prend en considération 80 % des ménages autochtones qui vivent hors réserve. Il est conçu pour éliminer les inégalités vécues par les Autochtones qui sont en situation de « besoins impérieux en matière de logement »; particulièrement ceux vivant au nord du Canada. Dans certaines communautés nordiques, 44 % d’entre eux vivent dans des logements inabordables ou inadéquats.
Le plan FIBI comprend cinq éléments principaux, explique Sutherland. « C’est vraiment une approche holistique du logement. Les demandes touchent à l’augmentation du nombre de logements stables, sécuritaires et abordables [et] à du soutien supplémentaire sous forme de services complets visant le bien-être des locataires [tout comme] à des actions rapides au sujet de l’itinérance autochtone [et] un accent sur le logement nordique — puisque nous savons combien il est difficile de construire, et de fournir du logement dans le Nord. »
« Mais la plus grande partie [du projet] est que tout le financement passe par leCentre pour les Autochtones, par les Autochtones que le Caucus a proposé. »
Le Centre national pour le logement pour les Autochtones, par les Autochtones qui est proposé permettrait de soutenir des programmes et des investissements tout en consolidant le secteur; un rôle similaire à celui joué par le Centre de transformation du logement communautaire.
« Le Centre FIBI est notre première demande, parce que nous croyons que l’argent devrait être géré par et pour les organisations autochtones », ajoute Sutherland. « Cela permettrait de gérer les fonds, de fournir de la formation et de faire circuler l’information. »
La voie à suivre
Bien que beaucoup de choses aient déjà été accomplies, il faut en faire encore davantage pour s’avancer sur le chemin de la réconciliation et pour travailler à résoudre la crise du logement autochtone.
Ceux et celles qui soutiennent la stratégie pour les Autochtones, par les Autochtones peuvent écrire à leur député ou députée, suivre le Caucus autochtone sur Twitter, s’abonner à son infolettre ou devenir un membre du Caucus.
Un site Web a été créé pour faciliter le soutien et fournir plus d’informations.
« La meilleure chose à faire maintenant est de s’informer sur ce que nous sommes et d’apprendre davantage à propos du Caucus », affirme Sutherland. « Assistez au congrès et à la journée du Caucus! Vous pouvez venir et apprendre et écouter ce que les fournisseurs de logement ont à raconter. »
Le congrès de cette année, sur le logement et l’itinérance, propose des formations, des conférences, des ateliers et des occasions de réseautage avec des leaders provenant du secteur du logement communautaire de partout au Canada. Les informations et le formulaire d’inscription se trouvent ici.