Huit saisons dans la vie d’une coop – Community Housing Transformation Centre – Centre de transformation du logement communautaire
29 Oct, 2021

Huit saisons dans la vie d’une coop

Par Centre

À Gatineau, la Coopérative d’habitation St-Louis regroupe des personnes d’origines et de parcours diversifiés, qui s’entraident et surmontent les défis que soulève ce mode de vie. Dans le documentaire La coop de ma mère, la réalisatrice Ève Lamont présente les histoires et le quotidien de ces personnes — dont sa mère. Le film témoigne de façon honnête de l’importance et de l’impact de ce type d’habitation communautaire sur ses habitants.

Rachel vit depuis 19 ans dans la Coopérative d’habitation St-Louis, à Gatineau. Féministe et intellectuelle, elle avait choisi de vivre en coopérative pour ne plus être à la merci des propriétaires privés qui ne cherchent qu’à faire de l’argent. C’est aussi la mère de la réalisatrice Ève Lamont, qui la présente et donne un aperçu de la vie en coopérative dans son plus récent documentaire, La coop de ma mère.

C’est par désir de mettre en lumière une forme d’habitation sociale qui « favorise la cohésion sociale, le vivre-ensemble, et qui permet aux gens d’avoir accès à un logement décent à prix abordable [et qui est] sécuritaire, confortable » qu’Ève Lamont a décidé de braquer sa caméra sur cette coopérative d’habitation, qui compte 42 logements dans 7 bâtiments et qui a été fondée en 1983.

Ève Lamont est connue pour ses films engagés, et ce n’est pas la première fois qu’elle aborde la thématique du droit au logement. Avec Squat! (2002), elle a témoigné de la réalité et de la vision du monde de squatteurs montréalais. Avec Le chantier des possibles (2016), elle a fait connaître le combat des citoyens du quartier Pointe-Saint-Charles, à Montréal, qui militaient pour un projet de logement communautaire et pour se réapproprier un ancien bâtiment du CN, alors que planait la menace d’embourgeoisement du secteur.

Ève Lamont (crédit photo: Martine Doyon)

« J’ai toujours eu à cœur la question du logement, en tant que militante des droits sociaux et aussi en tant que cinéaste », confirme Ève.

Cette fois, avec La coop de ma mère, « mon but, c’était de porter un regard sur les gens qui vivent là », indique-t-elle. « Chaque personne est unique, mais on se rend compte avec le récit des gens que j’ai filmés qu’on n’arrive pas là par hasard ».

Il en résulte un documentaire d’approche plus intime, plus douce que revendicatrice, mais non pas sans impact ou potentiel transformateur. Car on y voit certain.e.s membres de la coopérative avec leurs bons côtés et leur détermination, mais aussi avec leurs vulnérabilités et leurs défis.

Outre Rachel, on y rencontre Lizeth et sa mère Olga, deux réfugiées colombiennes. On apprend à connaître Henri-Pierre, un homme qui prend plaisir à aménager le terrain de la coop en oasis de verdure et qui est un peu le grand-papa des enfants de la coop qui n’en ont pas. Il y a aussi Mélissa, membre de la coop depuis plusieurs années, et qui a vu la maladie changer ses besoins (auxquels la coop s’adapte). Il y a Samira et Sanaa, deux sœurs originaires du Maroc, maintenant bien installées à Gatineau. Puis Ahmed, un nouveau membre, qui a fui son pays d’origine, la Somalie, alors qu’il était adolescent. Et finalement, il y a Jean-Philippe, un intervenant social qui a la garde partagée de son garçon aux besoins particuliers.

Ève a suivi ces personnages pendant deux ans « pour suivre l’évolution de la vie ». Tout le tournage avait été réalisé avant la pandémie de COVID-19.

« Je trouvais que l’humanité et la vie des résidents, c’est une belle façon de faire découvrir le modèle coopératif en habitation, et le rôle bénéfique que ça joue auprès de tous ces gens-là. »

La coop, un mode de vie

Le modèle coopératif en habitation répond au besoin des gens de vivre en sécurité, dans un logement de qualité à bon prix.

Dans une coop, les membres sont responsables de gérer collectivement et de façon démocratique leur milieu de vie. Ils sont ainsi « individuellement locataires et collectivement propriétaires ».

Ce mode d’habitation offre des avantages (un loyer souvent moins cher que sur le marché privé, un réseau d’entraide à proximité) et entraîne des obligations (tou.te.s doivent s’impliquer activement dans la vie collective, notamment en participant aux différents comités, comme le comité d’administration, celui d’entretien ou d’admission).

Selon les plus récentes données obtenues de la Fédération de l’habitation coopérative du Canada, il existe au pays 2324 coopératives d’habitation dans lesquelles vivent un peu plus de 96 000 ménages. Au Québec, on chiffre à 1300 le nombre de coops d’habitation qui ont pignon sur rue. Ces coopératives québécoises possèdent 30 000 logements hébergeant 60 000 personnes, d’après la Confédération québécoise des coopératives d’habitation.

« Mon constat numéro un, dit Ève Lamont, c’est que les coops sont vraiment une formule de propriété qui favorise les liens intergénérationnels et interculturels. » Puisqu’ils doivent travailler ensemble et s’impliquer dans la gestion de leur milieu de vie, ces gens, « de tous âges, de différentes cultures, d’origines ethniques différentes […] tissent des liens entre eux et finalement, il y a des belles rencontres et des gestes d’entraide qui surviennent naturellement entre voisins. »

La documentariste ajoute qu’« il y a comme un préjugé que le logement social égale ”ghetto“, égale “du pauvre monde qui font pitié”, qui ne sont pas débrouillards. Mais on voit que non, au contraire! ». Devoir s’impliquer dans son milieu de vie peut finalement être libérateur en comparaison avec le fait d’être dépendant.e d’un.e propriétaire ou soumis au marché.

Un film soutenu collectivement

Le Centre de transformation du logement communautaire a octroyé un total de 6000 $ pour la réalisation du film, une contribution qui a « fait la différence », affirme la réalisatrice.

Mais d’autres organisations et individus ont aussi contribué financièrement au documentaire, par une campagne de sociofinancement. À ce sujet, Ève Lamont soutient que « le processus de production est à l’image du contenu du film, à savoir collectif. C’est en harmonie totale avec le modèle coopératif. »

Le film a déjà été projeté à quelques occasions à Montréal et à Gatineau. Il sera projeté le 14 novembre à Québec (au Cinéma Cartier) et le 30 novembre à Rimouski (à la Coop Paradis). D’autres projections auront lieu dans les réseaux des coopératives d’habitation — une version avec sous-titres en anglais sera d’ailleurs disponible — et il est possible pour les organismes d’organiser une projection privée. Il sera mis en ligne au printemps ou à l’automne 2022.

La réalisatrice, qui a participé à des rencontres avec le public lors des projections, confie que le film fait office de déclencheur et suscite l’intérêt des spectateur.rice.s.

« Je me rends compte que même les gens qui n’ont pas de problème de logement, ils ont le goût de formules plus coopératives, comme le [cohabitat]. Il y a beaucoup de monde qui m’a dit : “[Le film], ça me donne assez le goût de vivre dans une coop!”»

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