Les aîné.e.s de la communauté à la rescousse des jeunes autochtones en transition – Community Housing Transformation Centre – Centre de transformation du logement communautaire
30 Oct, 2020

Les aîné.e.s de la communauté à la rescousse des jeunes autochtones en transition

Par Sabine Friesinger

À Kamloops, en Colombie-Britannique, une approche novatrice visant à améliorer le sort des jeunes autochtones qui grandissent dans un foyer d’accueil est sur toutes les lèvres. Kikékyelc est un complexe de logements abordables où les jeunes sont jumelés à des aîné.e.s pour favoriser les occasions de mentorat. Le Centre de transformation du logement communautaire offre son soutien au projet ainsi qu’une aide financière.

Le 18e anniversaire d’une jeune personne est une étape importante : non seulement celle-ci fait face à de nouvelles responsabilités, mais il ou elle vit aussi un rite de passage souvent célébré en grandes pompes. Cependant, pour les jeunes en famille d’accueil, l’excitation est fréquemment associée à de l’anxiété et à une impression de se faire couper l’herbe sous le pied. Au Canada, chaque province ou territoire détermine le soutien offert aux jeunes qui sortent des familles d’accueil. En réalité, beaucoup d’entre eux décrochent du système faute de compétences de base pour devenir autonomes. Ce chemin conduit souvent à l’itinérance.

Pour les jeunes autochtones, les défis sont encore plus difficiles à surmonter : le rapport Coming of Age : Reimagining the Response to Youth Homelessness in Canada dénonce vivement la surreprésentation des jeunes autochtones chez les sans-abris. Certains avancent que le système de protection de l’enfance constitue une extension de l’héritage des pensionnats, car les effets sur les adolescent.e.s autochtones sont tragiquement similaires : un risque plus élevé d’itinérance, de problèmes de santé mentale, d’incarcération, de décès prématuré, d’absence de contact avec la famille, de la perte de la langue, de la culture et du sentiment d’appartenance.

À travers ce sombre tableau pointe une lueur d’espoir : un nouveau modèle de transition dirigé par les autochtones est mis à l’essai sous la responsabilité de l’agence métisse Lii Michif Otipemisiwak à Kamloops.

Kikékyelc : un lieu d’appartenance  

« Nous ne devrions pas avoir besoin d’un endroit comme Kikékyelc », déplore Colleen Lucier, directrice générale de Lii Michif Otipemisiwak, dans une interview à APTN News. « Néanmoins, le besoin existe parce que l’héritage de la perte et du traumatisme ont été perpétué dans de nombreux systèmes, notamment la protection de l’enfance. Je sais que ce n’est certainement pas l’intention de quiconque travaillant dans le domaine de la protection de l’enfance de faire plus de mal, mais c’est néanmoins ce à quoi ce système a contribué. »

Le mot Kikékyelc en langue Secwépemc signifie « oiseau couvrant ses petits d’une manière protectrice » ; aujourd’hui, c’est aussi un complexe de 31 unités, culturellement sécuritaire, soutenu et abordable qui abrite des jeunes des Premières Nations, Métis et Inuits qui passent du système de protection de l’enfance à la vie en autonomie.

Kikékyelc est bien plus qu’un endroit où dormir ; il ne s’attaque pas seulement à la définition dominante et colonialiste de l’itinérance : son but est de lutter contre l’itinérance vécue par les peuples autochtones, grâce à une vision composite de leur monde. L’Observatoire canadien de l’itinérance affirme que, pour les peuples autochtones, il ne s’agit pas simplement de lacunes dans l’hébergement ou le logement, mais plutôt d’un manque de liens sociaux avec la parenté.

Dans le programme « Aîné.e.s en résidence » de Kikékyelc, cinq doyen.ne.s de la communauté vivront parmi les jeunes ; cette stratégie vise à améliorer le sort des jeunes tout en adoptant une approche holistique, axée sur les autochtones.

Les jeunes locataires acquerront de nouvelles compétences et connaissances, parallèlement aux enseignements traditionnels et culturels, qui augmenteront leur capacité et leur disponibilité à s’impliquer dans leur nouveau logement et, éventuellement, à passer avec succès vers des logements plus indépendants. Cette nouvelle approche audacieuse englobe la vision autochtone du « foyer ».

Une approche novatrice soutenue par le Centre

Judy Smith, directrice de Métis Children and Families, déclare : « Ce qui rend ce projet spécial, c’est la création de liens naturels pour nos jeunes et nos aîné.e.s. Les jeunes qui ont grandi dans le système de foyers d’accueil n’ont peu ou pas de liens familiaux. La création de Kikékyelc garantit que les cultures traditionnelles seront maintenues. Kikékyelc tisse un réseau pour nos aîné.e.s et nos jeunes tout en développant chez eux le sens de la famille perdu pour de nombreuses raisons. »

À cette fin, le Centre a versé 100 000 $ du Fonds d’initiative d’aide communautaire aux locataires (CBTIF) qui permettra de rémunérer des aîné.e.s pour leur temps et leur participation au programme et de financer les matériaux et les fournitures nécessaires au projet.

« Le projet est nouveau et il y a de la place pour le partage des connaissances et l’essai de nouvelles approches », affirme Chrissy Diavatopoulos, chargée de programme au Centre. « Un projet pour et par les autochtones qui correspond aux priorités du Centre, soit de combler les lacunes dans les services offerts aux communautés autochtones. »

Pour Colleen Lucier, c’est un rêve devenu réalité : une approche novatrice visant à améliorer la situation des jeunes autochtones tout en répondant à leurs besoins en logement, en faisant équipe avec les aîné.e.s, en favorisant le mentorat et le transfert de connaissances, de valeurs et de culture. 

« Je tiens à exprimer sincèrement notre immense gratitude pour ce généreux soutien. Ce financement est essentiel pour soutenir la participation des aîné.e.s à l’enrichissement de la vie d’une population aussi vulnérable et, en fin de compte ce soutien permettra d’offrir des logement plus sécuritaires et plus stables », affirme Mme Lucier.

Ayant obtenu l’appui de la communauté et des partenaires partout au Canada, tous les yeux sont maintenant tournés vers Kikékyelc

L’ORGANISATION

Lii Michif Otipemisiwak Family and Community Services (LMO) est un organisme métis de services à l’enfance et à la famille qui offre du soutien à la population métisse de Kamloops et dans les environs. Les services offerts incluent le développement de la petite enfance, le soutien familial et culturel aux enfants et aux jeunes métis sous l’égide de la protection de l’enfance dans chaque province. En 2017, le LMO est devenu la deuxième agence de services à l’enfance et à la famille des Métis dans la province de la Colombie-Britannique. À ce titre, la responsabilité de tous les services de protection de l’enfance a été complètement transférée du gouvernement provincial au LMO. En plus d’obtenir ce rôle en 2017, le LMO a reçu l’approbation nécessaire pour amorcer le développement de « Kikékyelc : un lieu d’appartenance ». 

Photos prises le 23 mai, 2019 à Kamloops en C.B. Nous remercions les auteurs et artistes pour leur générosité https://news.gov.bc.ca/releases/2019MAH0092-001040 (Homes under construction for Indigenous youth and Elders).

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