À une expulsion de l’itinérance : comment renforcer la capacité des locataires vulnérables à l’aide de pratiques démocratiques
Les maisons de chambre – ou hôtels SRO (Single Room Occupancy) de Vancouver, offrent aux locataires des solutions de logement abordable consistant dans des chambres individuelles de 10 pi sur 10 pi, desservies par des salles de bain communes à chaque étage et dépourvues d’accès à une cuisine. Ces chambres individuelles ont été originalement construites pour les travailleurs saisonniers au début du XXe siècle. Au fil du temps, elles sont devenues la demeure de bon nombre des locataires les plus vulnérables de la ville ayant des antécédents de réalités de logement précaire. Avant d’emménager dans leur chambre individuelle, beaucoup ont préalablement vécu avec des amis ou des membres de leur famille, dans la rue, dans des refuges, en prison ou dans des centres de rétablissement. Une proportion encore plus importante de ces locataires dépend d’une aide financière mensuelle ou de prestations d’invalidité pour vivre.
Dans ce contexte, préserver ces solutions d’hébergement pour conserver des options de logement à faible coût est essentiel. Cependant, ces chambres étant relouées à des taux de marché plus élevés au fur et à mesure du roulement des locataires, le parc locatif des SRO privés fond rapidement. En raison du faible taux d’inoccupation et de la hausse des prix des loyers à l’échelle de la ville, les propriétaires ont de bonnes raisons économiques de faire sortir les locataires à faible revenu afin d’accueillir des étudiants ou des travailleurs pouvant payer des loyers plus élevés. Environ 1 000 chambres individuelles ont déjà été perdues ou sont actuellement en voie d’être converties en micro-lofts dispendieux qui permettront aux propriétaires de doubler ou de tripler leurs loyers mensuels. D’autres hôtels SRO ont été achetés par les gouvernements, rénovés et sont exploités par des agences de logement à but non lucratif comme logements supervisés subventionnés.
La crise du logement à Vancouver ajoute également le défi de maintenir ces chambres individuelles dans des conditions d’habitabilité acceptables. Plusieurs logements SRO privés sont extrêmement négligés, avec des chambres désuètes et inhabitables dans des immeubles où l’entretien est inadéquat et où plusieurs codes de santé et sécurité ne sont pas respectés. Presque tous les locataires de chambres individuelles ont récemment éprouvé des problèmes liés aux services de chauffage, d’eau courante ou d’ascenseurs non fonctionnels.
Améliorer la sécurité du logement et de représentation des locataires dans les hôtels SRO
La SRO Collaborative Society a débuté à titre de projet pilote en 2015 avec pour objectif d’effectuer des réparations et de mettre sur pied des comités de locataires dans cinq hôtels SRO privés. L’organisation a été créée pour soutenir les locataires vulnérables du quartier centre-est et du quartier chinois de Vancouver. En 2017, SRO-C a formé sa propre société et a commencé à organiser des réseaux de locataires SRO pour la prévention des surdoses dans les chambres SRO privées. D’autres initiatives telles que l’aide juridique aux locataires ont conduit à des améliorations importantes dans différents hôtels.
« Le financement que nous avons obtenu grâce au Fonds d’initiative d’aide communautaire aux locataires du Centre, nous aide à développer des partenariats plus solides entre la ville et la province, ainsi qu’avec certains concierges, propriétaires et les locataires », affirme Wendy Pedersen, directrice fondatrice de la SRO Collaborative Society.
Dans le cadre de plusieurs programmes, les locataires sont invités à jouer un rôle actif dans le façonnement de leurs conditions d’habitation grâce à des comités de locataires, à l’éducation aux droits des locataires, au partage des connaissances et aux services de soutien aux locataires offerts par les pairs. Pendant deux ans, en collaboration avec les universités Queen’s et Simon Fraser, la SRO Collaborative Society a élaboré et a évalué un modèle pour les comités de locataires et a créé une nouvelle stratégie afin d’effectuer les réparations et obtenir du soutien pour les locataires.
« Le renforcement des capacités des locataires SRO est la clé », explique Wendy Pedersen. « Plusieurs résidents de chambres individuelles ont vécu des situations difficiles et traumatisantes dans le passé : itinérance, problèmes de santé, certains ont même vécu dans des conditions d’extrême pauvreté ou ont fait face à des problèmes de toxicomanie. L’une des principales raisons pour lesquelles les conditions d’habitation des SRO sont si déplorables est tout simplement le manque de pouvoir des locataires. De plus, nombre d’entre eux ont peur de s’exprimer, car ils craignent d’être expulsés et parce qu’ils n’ont tout simplement pas l’habitude que leur voix soit entendue. »
L’approche du SRO Hub visant à renforcer les capacités des locataires est unique en ce qu’elle combine la recherche par le biais de sondages avec une approche inclusive et démocratique de mise en œuvre du changement. L’accès à l’information des locataires est renforcé par la création d’un bulletin traitant des droits des locataires et la constitution d’une bibliothèque. Les comités de locataires favorisent la participation aux décisions et aux responsabilités entourant le logement. Du soutien culturel est offert au tiers des locataires SRO qui se définissent comme étant autochtones.
Un autre élément clé de l’approche est la formation des locataires à leurs droits et à leurs responsabilités par le biais d’ateliers et d’un « diplôme SRO » leur permettant d’acquérir les compétences et les connaissances nécessaires pour leur permettre de négocier des améliorations et des réparations avec leurs propriétaires.
Le renforcement des capacités des locataires passe ensuite à un niveau supérieur. En plus de leur fournir des connaissances et des compétences, des opportunités de travailler en groupes ainsi que des ressources et des emplois, ces interventions revêtent un objectif à long terme : le projet SRO vise à élaborer des conventions de logement qui sécurisent le statut des immeubles privés avec des comités de locataires et du soutien par les pairs pour les locataires inscrits dans ces conventions. D’importantes représentations ont eu lieu afin d’obtenir du financement gouvernemental tripartite pour les rénovations structurelles et des loyers subventionnés à long terme dans les hôtels.
Avec un peu de chance, les discussions actuelles portant sur la COVID-19 aideront à améliorer la situation pour les locataires SRO et plus généralement tous les autres locataires vulnérables de la région de Vancouver.