Dans la région des Cantons-de-l’Est au Québec, l’organisme à but non lucratif Hameau des Cultures a pour mission de fournir des soins aux personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer ou d’autres formes de démence. Centrée sur la personne et non sur la maladie, cette offre de soins est une bouffée d’air frais dans un secteur où les problèmes sont souvent fréquents.
Depuis plus d’un an, le nouveau coronavirus s’est répandu à travers le monde et les rituels tenus pour acquis — comme les rassemblements sociaux ou religieux, les câlins, les baisers et les poignées de main — sont devenus des affronts aux considérations de santé publique. Peu de personnes ont été frappées aussi durement par la pandémie que celles vivant dans des établissements de soins de longue durée, comme les aînés atteints de démence. Non seulement sont-ils plus à risque de contracter et de mourir de la COVID-19, ils ont vu leurs sorties, leurs activités et, de façon encore plus importante, les visites de leur famille et leurs interactions sociales, soit des moments de joie dans une vie autrement marquée par la solitude, être restreintes par les mesures de santé publique.
La pandémie a braqué les projecteurs sur la crise dans le milieu des soins aux aînés. Les problématiques qui pèsent sur notre système déjà dysfonctionnel — les conditions de vie inhumaines, les abus physiques et verbaux, la négligence, les travailleurs surmenés et sous-payés — ont été soudainement amplifiées dans la course au contrôle du nouveau virus.
Dans son nouveau livre Neglected No More: the urgent need to improve the lives of Canada’s elders in the wake of a pandemic (Plus jamais négligés: l’urgence d’améliorer la vie des aînés canadiens dans le sillage d’une pandémie, notre traduction), le chroniqueur en santé au Globe and Mail André Picard révèle toute l’étendue du dilemme.
« Quelles autres personnes dans notre société envoie-t-on vivre dans des institutions qui ressemblent à des prisons, seulement parce qu’ils sont âgés ? », a-t-il confié à The Tyee.
« Je crois que nous devons nous poser la question importante à savoir quelles sont les excuses que nous inventons, comme société, pour rendre cette situation acceptable. »
Picard croit que la situation actuelle est une « plateforme pour discuter de ces grands enjeux ».
Optimiste, il croit que nous sommes à un tournant au sujet des soins pour les aînés.
Une approche centrée sur les clients
Docteure Paule Royer, la présidente du Hameau des Cultures — un « milieu de vie novateur pour les personnes atteintes d’Alzheimer et leurs proches », selon son site web — a des idées quant à la direction à suivre pour les soins accordés aux personnes âgées. « Plus j’avance, plus je pense que je suis un médecin de médecine sociale, qui a le goût de diversifier les approches, avec des approches non pharmacologiques », a-t-elle mentionné à Radio-Canada.
L’idée derrière la médecine sociale est simple : elle considère les patients comme des partenaires et vise à comprendre comment la santé, la maladie et les conditions sociales sont liées. En quelques mots, la santé de la population entière est une considération sociale.
Embrassant cette philosophie, la docteure Royer et son conjoint, Richard Carpentier, ont commencé à travailler sur le Hameau des Cultures.
« Je pense qu’il ne faut pas héberger [les aînés] en institution. Plus on les confine, moins on les rend autonomes et plus ils ont de troubles de comportement, plus on les médicamente, plus ils ont des risques de chutes », a expliqué Royer.
Inspiré par la Maison Carpe Diem, à Trois-Rivières, le Hameau des Cultures cherche à offrir un mode de vie empreint de dignité à ses habitants, dans un bel espace près de la nature. Offrant un environnement de vie stimulant qui prolonge l’autonomie des résidents tout en les soutenant au cours des phases palliatives et terminales de leur maladie, ce projet d’habitation abordable sans but lucratif pour personnes atteintes d’Alzheimer comptera 30 chambres et 6 lits réservés aux proches aidants. Le projet, qui a obtenu la majeure partie des fonds dont il a besoin, devrait voir le jour en 2023.
Le Centre de transformation du logement communautaire a accordé 40 000 $ à ce projet, situé à Magog, au Québec, près de la frontière américaine de l’État du Vermont.
Une vraie transformation
Le projet est transformateur puisqu’il viendra répondre à un besoin spécifique pour les personnes vivant avec l’Alzheimer. Il n’existe pas, dans cette région, de résidence qui offre un milieu de vie intéressant à cette clientèle. La subvention allégera la tâche des bénévoles qui ont participé au projet depuis le début, en investissant temps et argent.
La subvention accordée permettra de commencer les plans préliminaires de construction et permettra de compléter la documentation requise pour obtenir du financement de la Société canadienne d’hypothèques et de logement et de la Société d’habitation du Québec.
Le Hameau des Cultures étoffera son modèle de services pour les aînés atteints d’Alzheimer en collaboration avec le Centre de recherche sur le vieillissement et un chercheur de l’Université Laval. Ces collaborations aideront ensuite à la diffusion des résultats du projet en lien avec les thèmes du logement et de la santé.
« Notre projet consiste à transformer l’environnement résidentiel pour qu’il s’adapte à chacun plutôt que l’inverse », ajoute Royer.
Et c’est précisément le type d’approche transformatrice pour laquelle le Centre a été créé.