Itinérance et santé: Le conte de deux quartiers – Community Housing Transformation Centre – Centre de transformation du logement communautaire
21 Avr, 2021

Itinérance et santé: Le conte de deux quartiers

Par Centre

Le médecin torontois Sandy Buchman, spécialisé dans les soins palliatifs, veut, à l’occasion d’une discussion présentée au congrès 2021 de l’ACHRU, attirer l’attention sur l’importance qu’ont les facteurs sociaux sur la santé. Car la pauvreté, comme la discrimination ou l’exclusion, exerce une influence majeure sur la santé des personnes.

Pour expliquer l’importance des déterminants sociaux sur la santé, le Dr Sandy Buchman prend l’image d’un arbre. « Disons que les fruits sont les conséquences au niveau de la santé, [par exemple] une plus grande incidence de cancers, [les problèmes de] santé mentale ou de dépendance, le diabète. Les racines à la base de ces conséquences sont les déterminants sociaux de la santé : votre revenu, votre race, votre statut socioéconomique, votre niveau d’éducation, etc. Mais il faut creuser autour des racines. [Et là, on trouve] le colonialisme, le racisme, la xénophobie, la transphobie… Tous les êtres humains ont besoin d’être logés peu importe leurs racines. »

Pour le médecin spécialisé en soins palliatifs, il ne fait pas de doute que les personnes qui n’ont pas de chez-soi font face à plus de problèmes de santé et ont plus de difficulté à accéder aux soins de santé que d’autres personnes qui sont plus élevées dans la hiérarchie sociale.

Ce sont ces idées qu’il exposera, au cours d’une conférence intitulée « Housing and Health : A Conversation with Dr. Sandy Buchman » le 28 avril à l’occasion du congrès annuel de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine.

La santé déterminée par le social

Même s’il ne peut citer de statistiques sur le nombre de morts de personnes itinérantes qui seraient évitables si elles avaient un toit, le Dr Buchman affirme qu’avoir un chez-soi est bénéfique pour la santé. Cela facilite notamment l’accès aux services sociaux et de santé, fournit une protection contre l’environnement et permet d’avoir un endroit où cuisiner et manger.

Dr Buchman utilise un autre exemple pour illustrer son propos sur les déterminants sociaux de la santé, soit celui du vécu de ses patients de deux quartiers de Toronto. Ces deux secteurs, pourtant situés l’un à côté de l’autre dans le sud de Toronto, juste à l’ouest de Don Valley, ont des réalités différentes comme « le jour et la nuit ». D’un côté : Rosedale, un quartier riche, parsemé de manoirs. De l’autre : le secteur autour des rues Sherbourne et Dundas, où plusieurs personnes vivent l’itinérance.

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Dr Buchman affirme que la santé des Canadiens et des Canadiennes est déterminée à 50 % par des facteurs sociaux, comme le revenu, le niveau d’éducation ou les différentes expériences de vie.

Les personnes qu’il soigne dans ces deux endroits ont toutes des maladies graves. « Elles ont toutes besoin de soins prodigués avec compassion, mais les ressources que les gens de Rosedale ont, même dans un système de santé universel, sont mille fois plus grandes que ceux qui vivent l’itinérance, à un ou deux kilomètres plus loin. Un de ces codes postaux a une espérance de vie d’environ la moitié de celle de l’autre code postal. »

Dr Buchman, qui est l’ancien président de l’Association médicale canadienne et aujourd’hui à la tête de la Freeman Family Chair in Palliative Care du North York General Hospital, affirme que la santé des Canadiens et des Canadiennes est déterminée à 50 % par des facteurs sociaux, tels le revenu, le niveau d’éducation ou les expériences de vie diverses. Un autre 25 % s’explique par l’accès aux soins de santé, 15 % par la biologie de la personne et 10 % par l’environnement. Ces facteurs interagissent entre eux, si bien que l’accès aux soins de santé est influencé par les facteurs sociaux, par exemple. Ainsi, les Autochtones peuvent être méfiants envers le système de santé, et ils peuvent être traités différemment par celui-ci. Cette triste réalité a d’ailleurs fait les manchettes il y a quelques mois, avec la mort de Joyce Echaquan, une Atikamekw de Manawan au Québec.

 « Si nous ne nous attaquons pas aux déterminants sociaux de la santé, la santé de la population ne sera jamais atteinte, affirme le Dr Buchman. Les médecins, les infirmières et les équipes médicales devraient, dans leur pratique, être à l’affût des signes de pauvreté, de la même façon qu’ils sont à l’affût du diabète. »

La pauvreté tue

La pauvreté, devrait, selon lui, pouvoir être nommée comme cause de certains décès. « Je soignais une femme de 47 ans, atteinte du cancer du col de l’utérus. Elle était mourante, poursuit-il. Elle avait été sans-abri à certains moments de sa vie. Elle avait eu des petits boulots, comme serveuse ou dans des hôtels. Mère célibataire de deux enfants, elle avait bien pris soin d’eux, mais elle n’avait pas pris soin de sa santé à elle. J’ai été appelé à remplir son certificat de décès. Sur un certificat de décès, il faut inscrire la cause biologique de la mort, et la cause biologique était le cancer. Mais j’étais soucieux et triste, et je me disais que la vraie cause de sa mort était la pauvreté, le trauma. Le cancer était comme le fruit sur l’arbre, c’était une conséquence [des causes sociales]. »

Présentement, le système de santé travaille en silo, déplore Dr Buchman. Davantage de collaboration avec les systèmes sociaux et ceux qui traitent de la santé mentale serait bénéfique.

Et afin de donner des chances égales à tous, il faut s’attaquer à la question des revenus, à celle du logement, à la discrimination et à la façon avec laquelle on stigmatise les gens qui ont eu des expériences différentes. Dr. Buchman n’hésite pas à soutenir l’idée d’un revenu minimal garanti, qui aurait des effets positifs sur la santé de la population.

« Ça sera très intéressant de voir ce qui arrivera après la COVID, après que nous ayons autant emprunté, ajoute-t-il. Est-ce que les gens ne voudront plus mettre d’argent dans les déterminants sociaux? Cela pourrait faire une très grande différence dans notre système de santé et évidemment, dans les coûts à long terme de notre système de santé, de même qu’au niveau de l’amélioration de la qualité de vie et de l’espérance de vie. »

Pour vous inscrire au congrès de l’ACHRU, dirigez-vous au https://chracongress.vfairs.com/fr. La date limite pour l’inscription est le 23 avril.

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