Un programme fédéral de 1 milliard de dollars pour la construction rapide de 3000 unités de logement abordable a intéressé tellement d’organisations que des centaines de projets viables ne seront pas retenus. La possibilité d’un renouvellement de ce programme très populaire a mené des organisations en logement à proposer des améliorations, afin de mieux répondre aux besoins fondamentaux des Canadiens et des Canadiennes dans la perspective d’une deuxième et nécessaire vague de construction.
La nouvelle du lancement de l’Initiative pour la création rapide de logements, annoncée le 27 octobre 2020 par le gouvernement Trudeau et représentant un budget de 1 milliard de dollars pour la construction de 3000 logements abordables dans l’année, a été applaudie partout dans le milieu du logement communautaire canadien. Avec une date limite de candidature établie au 31 décembre, plusieurs s’inquiétaient à savoir si les organisations communautaires, à court d’argent et en plein milieu d’une pandémie, pouvaient répondre à l’appel et soumettre des demandes étoffées à temps.
Tout compte fait, ces inquiétudes n’avaient pas lieu d’être. « Les 670 demandes [soumises] et les 4,2 milliards demandés ont démontré à la fois l’immense besoin et l’incroyable capacité des fournisseurs communautaires de réagir en seulement 62 jours pour répondre à un programme simple comme l’ICRL », observe Stéphan Corriveau, le directeur général du Centre de transformation du logement communautaire.
Et ces chiffres ne représentent que le volet « communautaire » de l’ICRL, qui était divisée en deux volets de financement. Il y avait 500 millions à partager entre 15 municipalités d’envergure; et le même montant était alloué à des projets soumis par les organisations sans but lucratif, les organisations et organismes de gouvernance autochtones, de même que les provinces, les territoires et de plus petites municipalités.
Le Centre a assisté 43 de ces demandeurs en fournissant 1,64 million de dollars pour aider à financer des études, des consultations et d’autres travaux préparatoires requis afin de soumettre une proposition solide. Ces projets, à eux seuls, représentaient la création de près de 1900 unités, soit plus que les 1500 prévues pour l’entièreté du second volet de financement.
« L’ICRL était un bon point de départ, un énorme pas en avant pour lequel nous applaudissons Ottawa et la SCHL », dit Corriveau. « Mais ce que cette colossale réponse illustre plus que tout, ce sont les besoins profonds, dans tout le pays, pour la construction de résidences pour les personnes qui ne peuvent pas se payer un endroit décent où vivre. »
« Cela monde aussi que le secteur du logement communautaire est vraiment capable de s’organiser. Certaines organisations ont sprinté comme Christine Sinclair vers le but pour avoir la chance de donner à seulement 5, 10 ou 12 familles de plus un chez-soi. Je ne peux dire à quel point ça me rend fier. »
Avec des demandes de financement dans le cadre de l’ICRL dépassant par dix fois l’offre, Corriveau espère que les présages du renouvellement du programme s’avéreront. La SCHL n’a pas terminé son analyse des 670 dossiers de candidature pour la première étape du financement, mais Corriveau demande que tous les demandeurs qui n’ont pas été acceptés pour le programme de 2020 soient admis d’office au prochain, sans qu’ils aient à faire une nouvelle demande.
C’est aussi l’avis de l’Association canadienne d’habitation et de rénovation urbaine, qui a mené conjointement avec le Centre une consultation en ligne le 8 février dernier pour recueillir les commentaires des groupes qui ont fait une demande, qui n’étaient pas admissibles au programme ou qui n’ont simplement pas été en mesure de respecter les délais très courts. En tout, 155 personnes ont participé à cette rencontre virtuelle.
Améliorer et simplifier
Dans une lettre datée du 25 février et envoyée au ministre responsable du logement, Ahmed Hussen, le directeur général de l’ACHRU, Jeff Morrison, a souligné la nécessité de reconduire le programme. « Ce serait manifestement une bonne nouvelle, et une décision que l’ACHRU et d’autres partenaires ont demandée, considérant le fort intérêt manifesté pour la première phase du programme. »
En abordant les commentaires reçus au cours de la consultation, Morrison a noté que « bien qu’il y ait eu un fort consensus sur la pertinence de l’ICRL et la qualité de l’aide du personnel de la SCHL à remplir les demandes pour les fournisseurs de logements », l’ACHRU a plusieurs recommandations de changements « pour améliorer le programme, dans le cadre d’une éventuelle deuxième phase. Elles visent à en favoriser l’accès et à simplifier le processus de demande. »
On retrouve, parmi ces suggestions, que la SCHL conserve les demandes qui n’ont pas été retenues pour la deuxième phase. « Nous savons que de nombreuses demandes reçues par la SCHL au cours de la première phase ne seront pas retenues en raison du grand nombre de candidatures […] Les candidats devront confirmer leur intention de bénéficier d’une clause de droits acquis lors de la deuxième phase, et leur demande n’aura pas besoin d’être révisée ou soumise à nouveau. »
D’autres changements demandés incluent:
- Étendre l’admissibilité aux projets d’acquisition de propriétés résidentielles. Le programme de 2020 était limité à l’adaptation de bâtiments non résidentiels, « même si [l]es propriétés [résidentielles] se prêtent mieux à la conversion en nouveaux logements abordables et à un coût unitaire inférieur par rapport à une nouvelle construction. »
- Allouer des fonds spécifiquement pour le logement autochtone en milieu urbain, rural ou nordique. L’ICRL 2020 a établi des cibles plutôt que de réserver une portion des fonds pour les besoins des Autochtones, « afin que les disparités auxquelles elles sont confrontées puissent être traitées. Une affectation spéciale permettrait également de faire face aux coûts plus élevés et aux difficultés de construction de logements dans le nord du Canada. »
En conclusion, Morrison écrit que: « nombre de ces recommandations visent à recentrer l’ICRL pour qu’elle soit moins prescriptive et davantage axée sur les résultats escomptés du programme, ce qui est un thème que nous souhaitons renforcer. Les fournisseurs de logements ont l’expérience et l’expertise nécessaires pour mettre en œuvre et exploiter des logements abordables de manière rentable. »
Pour Corriveau, l’urgence d’agir n’est pas arrivée avec la pandémie, et elle ne se terminera pas quand le virus sera chose du passé.
« Ce soir, 35 000 personnes parmi nous affrontent le coucher du soleil dans un terrible mélange d’appréhension, de peur et de désespoir, parce qu’ils et elles n’auront pas d’endroit sécuritaire pour dormir. Pour ces personnes, la nuit sera plus noire, plus froide et encore plus menaçante que pour la vaste majorité des 38 millions d’individus qui partagent ce territoire. »
« Résoudre ce problème n’est pas sorcier, tout ce que ça prend, c’est un peu de briques et de mortier, avec une touche de soutien social. La première itération de l’Initiative pour la création rapide de logements a démontré qu’il s’agissait d’un projet pilote fantastique et réussi, qui a généré 3000 nouveaux chez-soi. Répétons cet exercice une fois par mois jusqu’à ce que chacun d’entre nous puisse dormir de façon sécuritaire et… voilà! Le problème est résolu. »