Les ménages dirigés par des femmes et par des personnes issues de la diversité de genre font face à des problèmes chroniques en matière de logement. Ils se trouvent pris dans un cercle vicieux persistant depuis des années. Pourtant, le facteur du genre et l’intersectionnalité demeurent largement absents de la quête de solutions à la crise. Pour produire et accélérer le changement, une coalition diversifiée s’est unie en lançant un guide d’information intitulé « Un programme de logement féministe intersectionnel pour le Canada. »
Les besoins sont bel et bien urgents, et les ménages en question sont touchés de manière disproportionnée par la crise. Nous reconnaissons les différentes manifestations de l’inégalité, observées à travers nos activités quotidiennes dans le secteur du logement communautaire:
- Nombreuses sont les femmes qui se retrouvent contraintes à faire des choix déchirants entre un logement adéquat et les nécessités de base telles que la nourriture.
- Les femmes aux identités particulières, qui sont, et ont toujours été, confrontées à des problèmes de discrimination et à des obstacles à l’accessibilité, se trouvent dans une situation plus difficile.
- Les ménages monoparentaux, qui naviguent sur le marché de la location, font face à de grandes difficultés. Leur tâche est d’autant plus ardue avec un seul revenu confronté à l’augmentation constante des loyers, sans oublier les écarts de salaires.
- Les femmes se trouvent souvent obligées de recourir à des stratégies de survie précaires qui perpétuent des cycles d’itinérance cachée, craignant de perdre la garde de leurs enfants ou de redevenir victimes de violences.
- La grande majorité de celles qui quittent les refuges ne parvient pas à trouver un logement qu’elles peuvent se permettre. La pénurie de logements abordables à travers le pays aggrave la situation.
Bien que les solutions soient nombreuses, nous avons toujours besoin d’une approche axée sur le genre, car il s’agit d’une crise genrée. C’est précisément ce que cet appel récent cherche à avancer.
Le logement inclusif et équitable contre les disparités de genre
Au cours des 16 jours d’activisme contre la violence axée sur le genre, la coalition présente 15 appels à l’action bien identifiés. Ces appels comprennent des actions immédiates, des ajouts aux initiatives déjà en cours, ainsi que des actions à moyen et long terme.
« Le programme recommande en priorité de remédier au manque de logements appropriés et de s’attaquer aux problèmes de discrimination. Ces problèmes contribuent de manière disproportionnée à la violence et à la marginalisation des femmes, en particulier des femmes autochtones, des jeunes filles et des personnes LGBTQ+ » confirme Stefania Seccia, directrice du plaidoyer et de la communication pour le Réseau national des femmes pour le logement et l’itinérance (Women’s National Housing & Homelessness Network).
Le réseau, avec son homologue autochtone, le Réseau national de logement des femmes autochtones (National Indigenous Women’s Housing Network), est guidé par deux comités directeurs composés de femmes et de représentants de la diversité des genres, y compris des intervenant.es du secteur du logement et de l’itinérance, des fournisseurs de services et des chercheurs et chercheuses. En partenariat avec Pan-Canadian Voice for Women’s Housing et d’autres acteurs dans les secteurs de la violence et du logement, ces organisations ont uni leurs efforts parce qu’il est temps d’adopter une approche unie, pour éviter que « les femmes en général, et les personnes issues de la diversité … passent entre les mailles du filet, et il y a de nombreuses raisons à cela. » Ajoute Seccia.
Dans d’autres actions immédiates, le programme propose d’assurer l’équité entre les sexes dans le financement des investissements en matière de logement de la stratégie nationale pour le logement. L’idée serait d’accorder la priorité aux investissements qui s’attaquent véritablement à l’ampleur de la pauvreté vécue par les femmes et les personnes issues de la diversité des genres.
Les difficultés plus prononcées vécues au quotidien aux Territoires du Nord-Ouest
La crise est d’autant plus grave dans les Territoires du Nord-Ouest par exemple, où elle a un impact énorme sur la sécurité des femmes et des enfants. L’invisibilité reste un thème récurrent en matière d’itinérance, surtout chez les femmes autochtones.
Lisa Thurber, fondatrice et directrice exécutive de l’Association des locataires des Territoires du Nord-Ouest, dit que les locataires vivent chaque jour dans la crainte d’une expulsion. L’association qu’elle dirige est un projet que le Centre a soutenu pour promouvoir efficacement l’inclusion sociale, tout en essayant d’éliminer la discrimination à l’égard des femmes.
Thurber se classe elle-même dans la catégorie des femmes à la tête d’une famille monoparentale. Elle nous confirme que la situation du logement aux Territoires du Nord-Ouest est si mauvaise qu’elle ne peut pas se permettre, en tant que parent seul.e, de louer un logement. Le propriétaire lui dira qu’il lui faut au moins 9 000 à 10 000 dollars de revenu par mois pour pouvoir louer un logement à une femme. « La majorité des femmes finissent par se retrouver dans un logement public et elles restent coincées dans ce cycle et ne peuvent pas en sortir. »
Le logement dans le Nord devrait être une priorité, dit Thurber, confirmant qu’il n’y a pas assez de logement et surtout pas de logement abordable pour les femmes et les enfants. Selon elle, « Si les sommes allouées annuellement pour fournir des logements aux gens sont suffisantes, nous pourrons avoir des logements ici. Tout se résume à la financiarisation du logement et c’est ce qui se passe dans les Territoires du Nord-Ouest : les promoteurs gagnent de l’argent sur les loyers et s’emparent des moyens de subsistance des gens, de tous leurs salaires, de la nourriture sous la bouche de leurs enfants. »
Le premier appel sur le programme de la coalition est d’investir 4 milliards de dollars dans une stratégie de logement pour les populations autochtones urbaines, rurales et nordiques, mise en œuvre par NICHI. En adoptant une approche intersectionnelle, cette proposition veille à ce que les femmes autochtones et les personnes issues de la diversité des genres bénéficient équitablement de tous les fonds.
Pour Seccia, « rédiger cet agenda est comme un moyen d’écrire un avenir pour nous-mêmes et pour les personnes que nous soutenons. »
Il est question de comprendre la portée et la profondeur des problèmes de logement des femmes et des personnes issues de la diversité pour vraiment se mettre sur la voie de les résoudre. C’est un premier pas à franchir sur le long chemin de la réalisation des droits, et vers l’objectif d’assurer un toit pour chacun et chacune.